En matière de microfinance, la Turquie est le plus mauvais élève d'une liste de 90 autres pays présentée par le Global Innovation Index 2013 aux Nations Unies en début de semaine. Cette publication, qui classe les pays selon leur degré d'innovation, attribue la plus mauvaise note au système de microcrédit turc. Dix ans après le lancement de son premier programme, la Turquie est-elle devenue le cancre de la microfinance ?
La sixième édition du Global Innovation Index, co-publié par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle des Nations Unies (WIPO), a évalué l'innovation produite dans chaque pays selon plusieurs critères, parmi lesquels l'augmentation du portefeuille de la microfinance. La Turquie vient de recevoir un zéro pointé en la matière, malgré sa place en milieu de liste dans le classement général.
La principale activité de la microfinance consiste en l'octroi de microcrédits – littéralement, des prêts d'une modeste somme - aux personnes qui sont exclues du système bancaire et financier traditionnels. Ces prêts permettent le plus souvent de démarrer et de soutenir des activités économiques de petite taille. Surnommé “le banquier des pauvres”, le bangladais Mohammad Yunus est le premier à avoir créé une institution de microcrédit – la Grameen Brank, en 1977. Depuis, la formule a été reprise dans 85 pays, avec plus ou moins de succès.
Un potentiel inexploité
A ce jour, la Turquie ne compte qu'un seul organisme qui concentre toutes les demandes et attributions de micro-prêts, le Programme Grameen turc de microfinance (TGMP). Le TGMP a été inauguré il y a dix ans par le Premier Ministre Recep Tayyip Erdoğan, à Diyarbakır, au sud-est du pays. Si le TGMP se félicite de voir que la totalité de ses prêts sont remboursés, le monopole de l'organisme sur le système turc de la microfinance n'est pas toujours vu d'un bon oeil.
Photo prise par Yavuz Sariyildiz, vainqueur en 2012 du concours de photo du CGAP, organisme dépendant de la Banque mondiale chargé de recueillir des informations sur les institutions de microcrédit
D'après Burcu Güvenek Araslı, professeur à l'Université technique du Moyen-Orient contactée par lepetitjournal.com d'Istanbul, outre le monopole détenu par le TGMP, “le manque d'une information de qualité concernant la microfinance en Turquie ainsi que la pauvreté du cadre légal permettant l'attribution de micro-prêts” sont les deux raisons principales qui expliquent la faible expansion du système dans le pays. En comparaison avec ses voisins d'Europe de l'est ou d'Asie centrale, la Turquie est le seul pays a n'avoir pas exploité tout le potentiel dont elle dispose, distribué par les agences internationales de développement ou investisseurs étrangers.
Un remède à portée de main
Selon Burcu Güvenek Araslı, “étant donné la part élevée de la population turque qui n'a pas accès aux services bancaires traditionnels”, la question du microcrédit en Turquie est d'une importance “cruciale”. La microfinance pourrait représenter une solution idéale pour aider à réduire la pauvreté et le chômage, deux des grands défis macroéconomiques du pays. D'après la Banque mondiale, la part de la population qui vit en dessous du seuil de pauvreté nationale a sensiblement augmenté ces dernières années, surtout dans les zones rurales.
En dix ans, la TGMP a octroyé 51.425 prêts en particulier aux femmes turques. Grâce à ces microcrédits, elles ont pu ouvrir un salon de coiffure, un café, financer l'entretien de leur ferme, de leurs terres, ou encore démarrer une activité artisanale. Au-delà de la Turquie, l'efficacité des microcrédits à former de nouveaux entrepreneurs et à améliorer les conditions de vie à long terme reste une question délicate à évaluer, d'après Esther Duflo, professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et titulaire de la chaire Savoirs contre pauvreté au Collège de France en 2009.
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