Comme une démonstration de force adressée aux opposants de la place Taksim, le Premier ministre turc a donné ce week-end deux meetings géants, réunissant des centaines de milliers de personnes. Sur place, les partisans étaient conquis.
Des hommes dans la force de l'âge. Des femmes voilées, dans leur grande majorité, et d'autres qui ne le sont pas. Mais aussi quelques jeunes en jean et baskets. Tel était le profil des dizaines de milliers de personnes qui se sont rendus hier, sur la place de Kazlıçeşme à Istanbul, pour assister au meeting du leader de l'AKP, Recep Tayyip Erdoğan.
La veille, un rassemblement similaire avait eu lieu à Ankara. Le Premier ministre avait alors lancé un nouvel ultimatum aux occupants du parc Gezi."Nous avons une réunion publique demain à Istanbul. Je le dis clairement: si Taksim n'est pas évacuée, les forces de sécurité de ce pays sauront comment l'évacuer".
Photo akparti.org
Deux heures plus tard, la police intervenait à grand renfort de gaz lacrymogènes et de canons à eau. Rien de choquant pour les militants rassemblés hier à Istanbul. "Ils étaient obligés. Les gens [dans le parc Gezi] nous bloquent. Quand on vous empêche de passer quelque part, vous appelez la police. Donc c'est normal qu'elle intervienne", s'indigne Fikret, un ingénieur informatique de 27 ans. Plus tempéré, un membre des Jeunes de l'AKP estime pour sa part que"la première intervention était démesurée. Mais les choses ont changé depuis."
Dimanche soir, Erdoğan a déclaré que l'évacuation du parc était "un devoir". "C'était devenu insupportable" a-t-il ajouté.
"Erdoğan est un démocrate !"
Fidèle à la ligne tracée par leur leader, les partisans de l'AKP considèrent que les violences qui secouent la Turquie depuis plus de deux semaines sont à mettre à l'actif des “vandales” du parc du Gezi. "La plupart d'entre eux sont des anarchistes qui veulent la destruction de la République. Et contrairement à ce que racontent les médias internationaux, Erdoğan est un démocrate", lâche Ümit, 24 ans, également ingénieur informatique. "Il faut pas inverser les rôles", embraye Mustafa, étudiant en sciences politiques. "Le gouvernement n'a pas de problèmes avec les protestations tant qu'elles sont faites dans le respect de la démocratie. Mais des manifestants ont lancé des cocktails Molotov sur la police !"
Dans la même logique, la question très débattue de l'islamisation de la société turque est balayée d'un revers de main."L'islamisation est agitée par les gens de la place Taksim pour faire parler d'eux dans les médias internationaux. Mais ce n'est pas ce qui est en train de se passer en Turquie", explique Mustafa Moins mesuré est le jugement Fikret : "Nous sommes musulmans. Nous croyons au Coran, nous croyons au prophète Mahomet. Donc quand tu crois à la religion, c'est normal de la respecter."
“Succès économiques”
Tous ont également tenu à souligner la gestion économique de leur champion. "Il n'y a qu'à voir ce qu 'était le pays il y a 10 ans, et ce qu'il est maintenant", s'enthousiasme l'un d'entre eux. Comme ses militants, le gouvernement ne manque jamais une occasion de s'enorgueillir de sa croissance vigoureuse. "Vous avez un appel d’offres de 65 milliards de dollars pour la construction d’une centrale nucléaire et un aéroport le même jour, [et] une Turquie qui a effacé ses dettes auprès du FMI, dont la note de crédit a augmenté", indiquait il y a encore quelque jour au Hürriyet Daily News Ahmet Davutoğlu, le ministre des Affaires étrangères. Cependant, ce ciel radieux est quelque peu terni depuis le début du mouvement de contestation. En deux semaines, le cours de la Bourse turque a chuté d'environ 10%. Samedi soir à Ankara, Erdogan s'en est une nouvelle fois pris aux spéculateurs étrangers, accusés de profiter de la situation pour mettre à mal l'économie du pays, qui est par ailleurs passée d'un taux de croissance de 8,5% en 2011, à 2,2% en 2012.
Mais cela n'ébranle en rien la confiance de ses supporters. "Je sais qu'il va encourager le développement économique" confie Özgün, un étudiant en informatique.Sourire aux lèvres, il ajoute : "Je veux qu' Erdoğan continue à faire du Erdoğan."
Jonathan Grimmer (http://www.lepetitjournal.com/Istanbul) lundi 17 juin 2013
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