jeudi 20 juin 2013

#OCCUPYGEZI – Quelles conséquences sur l'économie turque

Depuis une semaine, le Premier ministre Recep Tayyip Erdoğan accuse régulièrement les banques internationales d'être à l'origine du mouvement de contestation qui secoue son pays depuis le 31 mai. Plus que le bilan matériel, ce sont les discours du Premier ministre qui risquent de mettre à mal l'économie de son pays, laquelle repose en grande partie sur l'apport des investissements étrangers.
En début de semaine dernière, le Premier ministre turc a dénoncé le lobby de “ceux qui spéculent sur des taux élevés”, les accusant de vouloir déstabiliser les marchés de capitaux. Il a ajouté devant ses partisans réunis à Ankara : “Si vous [le lobby du taux d'intérêt,ndlr] êtes pris en train de spéculer, nous vous étoufferons. Peu importe qui vous êtes, nous vous étoufferons”.

Photo TQ
Selon Timothy Ash, responsable des marchés émergents chez Standard Bank, l'emportement de Recep Tayyip Erdoğan à l'encontre des spéculateurs traduit un changement d'attitude du gouvernement envers les investisseurs étrangers. “Cela marque une volte-face pour un gouvernement qui est toujours apparu comme soucieux de valoriser l'investissement étranger et qui a toujours été très sensible aux marchés”.
L'effet domino” des propos du Premier ministre
Entre le début des violences le 31 mai et le 10 juin, la Bourse d'Istanbul a enregistré une baisse de 19%. Cette “volte-face” du Premier ministre pourrait bien être en train de faner la confiance que les investisseurs étrangers accordent à la Turquie. Le vice-Premier ministre chargé de l'économie, Ali Babacan, a annoncé en début de semaine que l'équivalent d'un milliard d'euros de capitaux étaient sortis du marché boursier turc depuis le 26 mai. La banque centrale turque a confirmé ce mardi que les flux de capitaux vers la Turquie avaient ralenti en raison des incertitudes globales. Mercredi, elle a interrompu la baisse des taux d'intérêts pour soutenir la monnaie nationale. Cette mesure est contraire à la politique du gouvernement, qui milite pour les taux d'intérêts nuls.
Après avoir suggéré le boycott des banques privées, le Premier ministre s'en est pris au secteur industriel depuis que Cem Boyner, l'un des plus grands patrons du pays, a affiché son soutien aux manifestants. Les accusations répétées du Premier ministre combinées à la prolongation des heurts semblent avoir déclenché un effet domino néfaste pour l'économie du pays, jusque là applaudie pour ses succès.
Le secteur du tourisme particulièrement touché
D'après le ministère de l'Intérieur, le bilan matériel au 19 juin s'élevait à 140 millions de livres turques. La pérennisation de conditions politiques instables engendre logiquement une situation économique et financière fragile. L’agence Moody’s avertissait déjà le 10 juin que la contestation pourrait mettre en danger la note de crédit du pays. Même si le mouvement de contestation s'est un peu apaisé depuis la reprise du parc Gezi par la police le week-end dernier, la situation reste instable.
Le tourisme, sensible à la crise politique actuelle, est le secteur qui a le plus souffert. L'Union des hôteliers et investisseurs turcs (TUROB) a déclaré ce mercredi que 60% des réservations d'hôtel avaient été annulées depuis le 31 mai. A cela s'ajoutent la suppression de plusieurs congrès et festivals internationaux. La TUROB précise que si les événements perdurent, des emplois pourraient être menacés.
Ce jeudi matin, la TUROB a publié son bilan de 20 jours de troubles: 215.862 nuits d'hôtel annulées; 80% d'annulations à Taksim-Beyoğlu-Şişli-Beşiktaş; 45.950 annulations pour le long terme. Coût total des pertes causées par ces annulations: 54,7 millions d'euros.
Pour le président de l'Association des artisans du Grand Bazar, Hasan Fırat, il est déjà trop tard. Après avoir indiqué que le plus grand marché couvert de la ville est actuellement “à 30% de ses capacités habituelles”, il explique au Hürriyet Daily News que “même si les manifestations s'arrêtent aujourd'hui, il faudra attendre un mois avant que les touristes reviennent à Istanbul.” Les commerçants de l'avenue Istiklal, touchée par des affrontements plusieurs nuits d'affilée, s'accordent à dire que les ventes ont subi une évolution en dents de scie ces derniers jours.
A l'inverse, les vendeurs ambulants ont largement profité de l'occupation du parc entre le 1er et le 15 juin. “Le premier samedi, j'ai vendu 600 concombres à une livre chaque en une journée”, précise l'un des vendeurs sur place. A Ankara, les hôtels ne désemplissent pas, au contraire. “Nous avons même enregistré des réservations supplémentaires en raison de l'arrivée des forces de police venues d'autres villes pour maîtriser les affrontements”, se réjouit Seçim Aydın, président de l'Union des opérateurs touristiques d'Anatolie (ATID).
Diane Jean (www.lepetitjournal.com/Istanbul) jeudi 20 juin 2013

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