samedi 26 mai 2012

Mariages alévis-sunnites : «Les premiers à franchir le pas ouvrent la voie aux autres»


Mariages alévis-sunnites : «Les premiers à franchir le pas ouvrent la voie aux autres»


Secrétaire général de la plate-forme Medialog de la Fondation des journalistes et écrivains (GYV), Erkam Tufan Aytav est l’auteur de l’ouvrage Türkiye’de Öteki Olmak (Etre l’Autre en Turquie) sur les mariages entre sunnites et alévis. Dans un entretien à Zaman, il expose les questions soulevées dans son ouvrage : comment les couples se percevaient avant le mariage ? Et ont-ils résolu leurs différends ?
Une des personnes que vous interrogez dit qu’elle la seule femme de sa famille à avoir épousé un sunnite.
Ceux qui ont été les premiers à franchir le pas sont aussi ceux qui auront eu à affronter les plus grandes difficultés. Mais ils ouvrent la voie aux autres, pour qui cela devient moins difficile. Je cite dans le livre l’exemple de cette mère qui était fortement opposée au mariage de sa fille avec un alévi, et qui quelques années plus tard priait pour que sa deuxième fille épouse elle aussi un alévi... Etre le premier n’est donc pas facile, aussi parce qu’on peut être amené à devenir l’exemple, en bien comme en mal.
Vous écrivez également que lorsque les parents se trouvent confrontés à ce genre de situation, ils vont demander conseil à leur responsable religieux. Est-ce qu’il existe des normes religieuses qui encadrent ces pratiques ?
Les sunnites vont demander conseil au mufti ou à la Direction des affaires religieuses qui répondent de manière très claire que ces mariages sont légitimes puisque alévis et sunnites croient en l’ «unité d’Allah, en Muhammad [le Prophète] et en Ali [cousin et beau-fils de Muhammad]». Côté alévi par contre, les avis varient en fonction des dedes[chefs religieux et spirituels alévis], dont les interprétations en la matière divergent. J’ai parlé avec de nombreux dedes, ainsi qu’avec Binali Dogan de l’ordre Erikli Baba. Son interprétation était dure : pour lui, les alévis qui veulent épouser des sunnites sont düskün, littéralement «tombés», une manière pour la communauté alévie d’ostraciser les indésirables. Et les parents qui ont approuvé un tel mariage sont tout aussi düskün. Mais c’est là, il est vrai, l’interprétation la plus dure.
Les dedes alévis ont tendance à ne pas approuver les mariages alévis-sunnites. Quelles sont les autres interprétations ?
Même les dedes les plus modérés avec lesquels j’ai parlé avaient tendance à désapprouver ces mariages. Ils disaient que les femmes alévies seraient discriminées et opprimées dans les familles sunnites, et qu’ils ont eu des exemples. Ils ont également ajouté que, dans le cas inverse, si une sunnite décide d’épouser un alévi, la communauté alévie ne se mêlerait pas de ses croyances, n’essaieraient pas de la changer et ne lui ferait subir aucune discrimination.
Le gouvernement a voulu supprimer les préjugés en révisant les livres d’éducation religieuse. Dans quelle mesure pensez-vous qu’il y a réussi ?
On a appris récemment que dans ces manuels il y avait des termes discriminatoires vis-à-vis des Syriaques... L’éducation religieuse en Turquie s’est toujours concentrée sur l’islam sunnite. Actuellement, il y a un débat pour savoir si le cours d’éducation religieuse devrait être obligatoire ou pas. A mon avis, il devrait être obligatoire. Le cours devrait être conçu de manière à faire connaître les fondements des différents systèmes de croyances et ainsi à corriger les préjugés. L’action du gouvernement en la matière est hésitante et manque de détermination.
Istanbul

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire