lundi 28 mai 2012

Fazil SAY menacé de prison


Pianiste turc de renommée mondiale, Fazıl Say est menacé de prison, accusé d’atteinte aux valeurs religieuses pour des propos publiés sur son compte Twitter. Un procureur d’Istanbul réclame jusqu’à un an et demi de prison contre le virtuose, qui affirmait récemment vouloir s’exiler au Japon
L’affaire commence avec quelques messages du musicien sur son compte Twitter. Avec un “tweet”, en particulier : “Le muezzin a lu l’appel à la prière du soir en 22 secondes. Prestissimmo con fuco !!! Pourquoi cette précipitation? Une amoureuse? Une table de rakı?”
La plaisanterie du pianiste à l'athéisme déclaré pourrait bien l’amener devant les tribunaux. Dans l’acte d’accusation, qui doit encore être approuvé par le parquet d’Istanbul, il se voit reprocher d’avoir “incité le peuple à la haine et à l’hostilité” et d’avoir “dénigré publiquement les valeurs religieuses d’une partie de la population”, l’islam en l’occurrence.
Couverture de l'un de ses derniers albums (photo AA)
Le code pénal turc (art. 216) sanctionne ce genre de faits jusqu’à trois années de prison. Dans cette affaire, le procureur a réclamé samedi jusqu’à un an et demi d’incarcération. “Si je passe plus de trois mois en prison sans pouvoir jouer du piano, c’en est fini de ma carrière. Je suis peut-être la première personne au monde à faire l'objet d'une enquête en justice pour avoir déclaré mon athéisme”, explique Fazıl Say au quotidien Hürriyet. Dans ce même entretien, le pianiste confie son intention de s’installer au Japon.
Censures et menaces
A plusieurs reprises ces dernières années, Fazıl Say s’est inquiété publiquement de ce qu’il considère comme une montée de l’islam radical et intolérant dans son pays. Il s’est plaint en 2008 auprès du journal allemand Süddeutsche Zeitung de ce que la plupart des épouses de ministres portent aujourd’hui le voile. “Les islamistes ont gagné” et cherchent à imposer leur mode de vie à la minorité laïque, estimait-il alors. A l’époque, l’interprète et compositeur évoquait déjà un possible exil à l’étranger.
Fazıl Say accuse également le pouvoir AKP (Parti de la justice et du développement) de censurer l’une de ses œuvres, composée à la mémoire de Metin Altıok, ce poète mort dans l’incendie criminel de l’hôtel Madımak à Sivas en 1993. Fazıl Say se dit aussi coutumier des lettres d'injures et des menaces de mort.
“ministre de la Culture !! ARRÊTE DE DÉBLOQUER !!”
“Le mieux serait de rester éloigné quelques temps. Je voudrais aller au Japon mais je ne sais pas si je le peux. J’adore le Japon et je pense qu’il est confortable d’y vivre. Mais c’est tellement loin. Cela voudrait dire réduire le nombre de mes concerts en Europe et en Turquie”, déclarait récemment le virtuose de 42 ans.
Le ministre turc de la Culture et du Tourisme, Ertuğrul Günay, a demandé au pianiste de revenir sur sa décision. “Je fais attention à ne pas prononcer de mot qui blesse un artiste. Mais si certains artistes insistent pour dire sans cesse des choses négatives, je laisse à la société le soin d’en juger. J’espère qu’à l’avenir ces personnes reconnaîtront qu’il n’y a pas de meilleur endroit pour vivre que la Turquie”, a affirmé le ministre début mai dans un discours au Parlement européen.
La réponse de Fazıl Say au ministre a été, comme à son habitude, directe, rapide et par l'intermédiaire de Twitter : “Ministre de la Culture !! ARRÊTE DE DÉBLOQUER !!” (en turc : “Kültür bakanı!! KES ZIRVALAMAYI !!”)
Anne Andlauer (www.lepetitjournal.com/istanbul) lundi 28 mai 2012
Pour écouter Fazıl Say au piano, dans une interprétation personnelle de Beethoven (Sonata Op 57 "Appassionata" Mov 3) :

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