vendredi 22 juin 2012

Intéressant point de vue sur le bilan de l'AKP au bout d'un an


L’AKP un an après : un bilan négatif d’après les experts


Un an après son élection triomphale, l’AKP est l’objet de nombreuses critiques concernant sa gestion jugée «autoritaire» de nombreux dossiers. Pour les observateurs, le drame d’Uludere ou le retrait politique du gouvernement dans l’affaire Ergenekon traduisent cette évolution négative de l’AKP.
C’est en promettant de poursuivre les efforts de démocratisation et l’élaboration d’une nouvelle constitution que le Parti de la justice et du développement (AKP) a remporté le 12 juin 2011 les élections nationales, raflant la moitié des suffrages. Mais le parti semble perdre du terrain parmi les faiseurs d’opinion qui dénoncent aujourd’hui les velléités autoritaires du parti au pouvoir. Mehmet Altan, enseignant à la faculté d’économie de l’Université d’Istanbul interprète les récents débats lancés par Recep Tayyip Erdogan au sujet de l’avortement et de la construction d’une mosquée à Çamlica comme une manifestation des tendances autoritaires du Premier ministre. «Ces débats montrent clairement que le gouvernement veut opérer une transition consistant à faire passer le pays du kémalisme laïc au kémalisme religieux» a déclaré l’universitaire à Zaman. Koray Çaliskan, politologue à l’Université Bogazici est du même avis. Au sujet du drame d’Uludere, il met ainsi en garde : «dans un avenir pas trop lointain, n’importe lequel d’entre nous pourrait se faire licencier simplement pour avoir exprimé une opinion», ajoutant par ailleurs que cela signifierait alors que l’AKP serait devenu comparable au CHP (Parti républicain du peuple) des années 1930 : un parti unique partiellement intégré à l’Etat.
Uludere : la plus grande crise de l’AKP
Si l’AKP a reçu les faveurs d’une large frange de la société turque, c’est pour son engagement à démocratiser le pays et à placer les libertés individuelles avant l’intérêt de l’État. Il semble néanmoins que le parti a depuis peu emprunté le chemin inverse. La position du gouvernement vis-à-vis du drame d’Uludere, où 34 citoyens turcs d’origine kurde ont été tués par erreur, constitue, d’après les spécialistes, un exemple typique d’une telle attitude. Au lieu de trouver les responsables et d’exprimer des regrets sincères, le gouvernement a en effet donné l’impression d’essayer de dissimuler ce qui s’est réellement passé. Pour M. Çaliskan, le drame d’Uludere est à l’origine de la plus grande crise qu’ait connue l’AKP. Critiquant le gouvernement pour son attitude à l’égard de l’événement, il a en effet affirmé qu’ «Erdogan aurait dû s’excuser, comme il l’a fait pour Dersim (car) c’est lui qui est politiquement responsable».Toujours selon le politologue, ce drame a eu un impact majeur sur la manière dont l’AKP est perçu par le public. «L’image qui a prévalu ces dernières années d’un AKP victime de l’establishment [juridico-militaire, Ndlr] a totalement volé en éclats», poursuit M. Çaliskan, l’AKP ayant commencé à se comporter en parti-Etat en accordant la priorité à la défense de l’institution étatique. L’AKP a été salué quand il a annoncé son projet le plus important, la préparation d’une nouvelle constitution civile destinée à remplacer celle héritée de la période militaire. Néanmoins, les travaux de la commission mise en place à cet effet ne progressent que très lentement. Le travail constitutionnel est en cours avec la création de la Commission parlementaire pour la conciliation constitutionnelle, constituée de représentants des quatre partis et dirigée par le président du Parlement. Beaucoup d’observateurs soupçonnent néanmoins que les règlements internes adoptés par la Commission ne rendent difficiles l’obtention d’un compromis dans la mesure où ils requièrent un consensus absolu qu’il ne sera pas aisé d’obtenir compte tenu de la grande divergence d’opinions qui existe sur certains sujets. Qui plus est, la composition de la nouvelle assemblée est telle qu’il est impossible à l’AKP d’assumer à lui seul la rédaction de la nouvelle Constitution. Ahmet Turan Alkan, analyste politique et éditorialiste au quotidien Zaman, ne cache pas le fait qu’il n’est pas optimiste vis-à-vis de la question : «les débats relatifs à une nouvelle constitution ont pris du retard par rapport à ceux sur le système présidentiel. Tout se passe comme si le gouvernement voulait simplement utiliser la chose politiquement».
La liberté de la presse en recul
Par ailleurs, le gouvernement est revenu sur sa promesse d’une «Turquie sans bandes organisées ni juntes» pourtant incluse dans son programme électoral. L’AKP a en effet signifié qu’il pourrait réduire son soutien politique aux affaires judiciaires majeures telles qu’Ergenekon, dans lesquelles des membres de bandes organisées longtemps nichées à l’intérieur de l’appareil d’Etat sont actuellement en train d’être jugés. Le parti avait déjà poussé à modifier la loi sur les matches truqués adoptée par le Parlement à peine huit mois plus tôt. La conséquence en a été la réduction des peines des bandes organisées et des personnes impliquées dans les scandales des matchs truqués. L’AKP a échoué à modifier la loi sur les partis politiques, les lois sur le financement des campagnes électorales, ainsi que la loi électorale. Il a également interrompu les progrès faits en matière de réformes pour une harmonisation avec l’UE. Par ailleurs, la plupart des lois nécessaires à l’ajustement de la législation turque avec la réforme constitutionnelle, n’ont à ce jour pas été soumises au Parlement. Le gouvernement a échoué à donner le jour à des projets de loi importants : la création d’un conseil anti-discrimination ; une loi sur les aides publiques ; une loi sur les services de sécurité externe des établissements pénitentiaires. Dernier point, mais non le moindre : la liberté de la presse et les changements susceptibles d’être apportés aux lois antiterroristes destinés à donner une marge de manœuvre aux journalistes. Le gouvernement avait présenté des amendements en ce sens au Parlement. Des groupes de surveillance des médias affirment néanmoins que, loin d’avoir réussi à apporter une solution au défaut de liberté dont souffrent les médias en Turquie, ils ont, dans certains cas, contribué à aggraver la situation.
Ankara

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