jeudi 18 juillet 2013

RAMADAN – Immersion dans une famille au moment de l'iftar

Comment se déroule la rupture du jeûne au soleil couchant ? Lepetitjournal.com d'Istanbul a suivi une famille dans le quartier de Fatih le temps de l'iftar, le repas que prennent les musulmans la nuit tombée pendant le Ramadan. A l'image d'Istanbul, l'iftar est devenu au fil des années un compromis entre tradition et modernité.
Photo DJ
Dès 18h, les ruelles de Fatih grouillent d'enfants, pide sur la tête. Les étales du marché se vident à la vitesse grand V. Olives fourrées, abats de veau découpés, tomates et oignons au kilo, riz, biber (piment vert) remplissent à ras bord les paniers des familles qui s'affolent pour la préparation de l'iftar. Sous son tchador, une femme âgée enroule un sac de lentilles autour de sa canne. “C'est pour le çorba (soupe)!” Rares sont les femmes non voilées.
A l'écart de la foule, une pelouse, bordée par un terrain de foot, longe la Corne d'Or. Une famille est assise en tailleur sur un tapis rouge et blanc. Süreyya, 22 ans, assistante de direction, a rejoint directement ses parents après le travail. “Certaines entreprises nous libèrent un peu avant l'heure habituelle, pour que nous puissions retrouver nos proches pour l'iftar.” Süreyya, Kadir – le père – et Fulya – la soeur aînée – continuent d'aller travailler pendant le Ramadan. La jeune femme admet qu'il est plus facile de jeûner en restant à la maison : “Ma mère et mes deux petits frères dorment toute la journée, c'est plus simple pour eux!”
Les parents installent un réchaud sur le gazon pour griller les brochettes pendant que Fulya assaisonne d'un jus de citron la salade de crudités. Kadir, le père, malaxe les morceaux de veau, d'agneau et de boeuf dans une préparation épicée avant de les empiler sur des pics à brochettes. “Dès que le soleil se couche, nous pouvons festoyer jusqu'à 3h30 du matin, heure du début du jeûne quotidien.”
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L'âge du premier Ramadan, de plus en plus tard
Hamza et Zehra, un couple ami de la famille, rejoignent la tablée. “Les premiers jours sont les plus difficiles, après on prend le rythme”, explique Hamza, la main sur sa panse. Zehra, sa compagne, ne fait pas l'oruç (le jeûne) car elle est enceinte de sept mois. Elle aide Umurcan, le plus jeune de la famille, à disposer des feuilles de papier journal Güle Güle pour protéger le tissu. Âgé de 15 ans, Umurcan vient d'entamer son deuxième Ramadan. Rahime, la mère commente : “Mes deux filles ont fait leur premier Ramadan à l'âge de 7 ans, Umurcan à 14 ans. Notre mode de vie devient de plus en plus européen et on ne peut plus se permettre de faire jeûner nos enfants à un âge aussi jeune. Ce n'est pas une mauvaise chose.”
Hamza sourit, il se souvient : “J'ai fait mon premier Ramadan quand j'avais 9 ans, je me rappelle devoir jeûner par demi-journée, mais j'avais tellement faim! Maintenant quand je suis tenté, je prie pour qu'Allah m'aide à tenir.” L'écho de l'ezan (l'appel de la prière) sonne le début du festin à 20h45 pile. Les mains, tournées vers le ciel en signe de prière, viennent ensuite saisir un bout de pide que l'on presse sous la langue. Quelques mètres plus loin, un groupe d'amis rompt son jeune avec une olive. Sürreya acquiesce. “L'iftar, c'est le meilleur moment du Ramadan!”
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L'iftar en Turquie souvent politisé
Déguster un iftar en plein air est assez exceptionnel. Habituellement, cette famille ouvre le repas en croquant dans une datte et se sert de plats cuisinés à la maison, au choix des Karnıyarık (aubergines farcies), du Şehriyeli Pilav (riz cuisiné), et une Mercimek çorbası (soupe aux lentilles) toute chaude. Les musulmans les plus défavorisés se rendent aux “banquets” financés par la municipalité et le week-end, beaucoup profitent des offres “spécial Ramadan” proposées par les restaurants. Régulièrement, un groupe de musulmans dits “anticapitalistes” manifestent contre les formules d'iftar de certains hôtels, jugées trop luxueuses. A l'occasion de l'iftar, considéré comme le moment le plus important du Ramadan, certains en profitent pour rappeler leurs revendications. Cette année, n'a pas fait exception. Il y a deux semaines, les contestataires turcs du mouvement Gezi ont rompu le jeûne à même le sol de l'avenue Istiklal.
Diane Jean (http://lepetitjournal.com/istanbul) jeudi 18 juillet 2013

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