Le 8 juillet 2013 j’ai visité les fouilles effectuées par le Musée archéologique d’Istanbul à Tophane. Les travaux sont conduits dans un terrain vague de forme rectangulaire allongée et en forte pente, situé le long de l’avenue Meclis-i Mebusan du côté ouest. Jusqu’aujourd’hui seul a pu être fouillé un secteur correspondant en gros à 1/3 du terrain à l’extrémité nord. Selon les archéologues responsables le reste sera fouillé une fois que les problèmes statiques créés par le haut mur de terrasse qui domine le terrain du côté ouest seront résolus.
Dans la partie fouillée sont apparus les vestiges en assez bon état d’un grand bâtiment que les fouilleurs datent des 6e-7e s. ap. J.-C. d’après sa technique de construction et le matériel recueilli sur les sols. La présence d’un praefurnium assez bien conservé, les diverses canalisations et tubulures que l’on voit par endroits sous le revêtement de sol, de même que l’existence de quelques bassins rectangulaires pourraient indiquer que ces espaces dallés de marbre et dont les murs étaient revêtus de plaques de marbre blanc -du moins dans leur partie basse conservée-, appartenaient à un édifice thermal. Il ne serait pas faux de dire que ces thermes faisaient partie d’un complexe plus vaste à caractère séculaire (hôtel particulier ou palais) ou sacré (monastère), car au sud, des vestiges de murs et de voûtes qui présentent une technique de construction similaire et qui donc pourraient appartenir au même complexe sont visibles en surface dans le secteur non encore fouillé. On constate que ces vestiges ont servi par endroits de fondation aux murs de l’École de manufacture militaire (İmalat-ı Harbiye Mektebi) dont la reconstruction à l’identique est à l’ordre du jour.
Une autre découverte remarquable est constituée par un grand sarcophage byzantin de marbre blanc, incorporé dans l’un des murs de l’édifice thermal situé du côté de la pente et qui donc servait aussi comme mur de terrasse. Le sarcophage n’a apparemment pas été déplacé au moment de la construction des thermes. Il a été au contraire délibérément laissé en place et incorporé dans le mur de terrasse, son poids considérable pouvant aider à contrecarrer la poussée latérale des terres en haut de la pente.
Les restes mis au jour dans le tiers fouillé du terrain ainsi que les ruines visibles en surface dans le secteur non encore fouillé montrent que l’emplacement de l’École de manufacture militaire, bâtiment ottoman détruit au milieu du siècle dernier dont la reconstruction à l’identique est projetée par l’Université des Beaux-Arts Mimar Sinan, est occupé dans sa totalité par d’importants vestiges datant de l’époque byzantine, comme le soulignait déjà Semavi Eyice dans les années 70 (Bizans Devrinde Boğaziçi, Istanbul 1976. pp. 19-20). Il est donc certain que la reconstruction de cet édifice entraînera la destruction totale ou partielle de ces vestiges archéologiques. Par ailleurs il faut dire que le manque de documentation (plans, relevés ou photos) ne permettra jamais une reconstruction à l’identique de ce bâtiment ottoman : le résultat ainsi obtenu sera forcément en grande partie le fruit de l’imagination des architectes contemporains. De plus, comme cet édifice détruit empiétait en grand partie sur l’avenue moderne attenante – il a été en fait démoli pour élargir celle-ci -, il est pratiquement impossible de le reconstruire dans sa totalité.
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