jeudi 7 mars 2013

KADIKÖY – Chiens, chats et lapins “libérés” des animaleries


L’assemblée municipale du district de Kadıköy, sur la rive asiatique d’Istanbul, a pris début décembre une décision radicale : interdire aux animaleries la vente de chiens, de chats et de lapins. Les commerçants ont jusqu’au 1er avril 2013 pour se conformer à cette décision, une première dans le pays.
En haut à gauche, dans une cage d’un mètre carré, deux chihuahuas à poils courts. Dans la cage du dessous, un bichon blanc, visiblement énervé. Son voisin, un jeune Golden Retriever, fait la sieste dans un coin. Dans toutes les autres cages, des chats et des chatons.
Mustafa Çakıcı a fondé il y a 35 ans l’une des plus anciennes animaleries d’Istanbul. Il y vend aussi des lapins, toutes sortes de poissons, d’oiseaux et de rongeurs. Mais à partir d’avril, il ne pourra plus vendre que ces trois dernières espèces. “Cette décision nous fait beaucoup de tort, et beaucoup de peine aussi. Nous avons l’autorisation légale de vendre ces animaux, assure-t-il. Il y a effectivement des gens qui font ce commerce de manière illégale, en vendant sans autorisation, de plus en plus sur internet. La mairie nous met dans le même panier que ces gens-là.”
Photo Jay Kleeman, Flickr/CC
“Une décision humaine”
Dans les motifs de sa décision, la mairie de Kadıköy assimile la vente d’animaux en cage à des “mauvais traitements”. Manque d’activité physique, d’oxygène, faim, soif, maladies et même, effets psychologiques : les “petshops”, comme on dit ici, sont lourdement pointés du doigt. Mustafa Çakıcı et sa quarantaine de collègues du district mettent en garde contre une recrudescence des ventes sous le manteau.
Mais dans son bureau peuplé de canaris et de deux perroquets, le maire de Kadıköy, Selami Öztürk, n’en démord pas. “Par principe, je trouve qu’il n’est pas bon de maintenir des animaux en cage pour en faire commerce. Les chiens et les chats, notamment les petits, ont besoin de se défouler, de se muscler, de faire leurs besoins. Notre décision n’est pas une décision radicale, c’est une décision humaine”,défend-il, avant d’encourager ses administrés à adopter leurs animaux dans les chenils municipaux.
Des contrôles insuffisants
Techniquement, la décision de cette mairie va à l’encontre des lois en vigueur. Une ordonnance du ministère de l’Agriculture datée d’avril 2000 autorise bien, à certaines conditions, la vente de chiens, de chats et de lapins. Les mairies délivrent les autorisations et les agents du ministère contrôlent le respect des textes. Du moins en théorie.
Berkan Süren, vétérinaire à Kadıköy depuis une vingtaine d’années, est régulièrement témoin de l’insuffisance des contrôles.“Les petshops sont apparus au moment du développement fulgurant de la contrebande d’animaux en provenance de l’étranger, après la chute de l’Union soviétique. A l’époque, il n’y avait aucune loi sur l’importation de chiens ou de chats. Des milliers d’animaux sont ainsi arrivés sans aucun contrôle en Turquie, et ont amené avec eux des maladies alors inconnues dans le pays”, rappelle-t-il. Les contrôles seraient désormais plus stricts, mais loin d’être automatiques.
Concurrence déloyale ou décision pionnière ?
Les animaleries refusent en général de révéler leurs marges sur les ventes d’animaux. Berkan Süren, le vétérinaire, affirme que des chiots achetés 150 euros se revendent couramment cinq à dix fois plus cher. Mustafa, le vendeur, ne livre pas ses chiffres mais à cause du manque à gagner, il envisage de congédier une partie de son personnel. Il attend de savoir si la mairie saura se montrer conciliante.
“Nous pensons introduire de nouvelles règles, comme la présence obligatoire et régulière d’un vétérinaire. Et bien sûr, les animaux ne pourront plus être gardés en cage, ils devront disposer d’un espace pour se promener. Ceux qui respecteront ces règles pourront de nouveau vendre des animaux”, tempère effectivement le maire, Selami Öztürk.
Les animaleries de Kadıköy dénoncent aussi une concurrence déloyale car Istanbul compte 38 autres districts, où la vente de ces animaux reste parfaitement légale. Le maire préfère y voir une décision pionnière et assure que d’ici un an, 80% des mairies auront suivi son exemple.
Anne Andlauer (http://www.lepetitjournal.com/istanbul) jeudi 7 mars 2013

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