mercredi 5 juin 2013

MICRO-TROTTOIR À TAKSIM – Pourquoi manifestez-vous ?

Le vice-premier ministre turc a tenté mardi d'enrayer le mouvement de contestation en présentant des excuses et en appelant les manifestants à rentrer chez eux. Des milliers de personnes continuaient pourtant d’occuper le parc de Taksim à Istanbul. Pour quelles raisons? Lepetitjournal.com d'Istanbul a posé la question hier à quelques manifestants.

Rojda, 34 ans, militante socialiste du Ezilenlerin Sosyalist partisi (photo de gauche)
“Je souhaite au moins le départ d’Erdoğan et davantage de liberté. Tout ceux qui sont en colère contre le gouvernement sont à Gezi Parkı. Il y a des syndicats, des catholiques, des protestants, des kurdes, des féministes, des alévis, des écologistes, des anarchistes, des transsexuelles, des commerçants, des socialistes. J'en fais partie! Il y a beaucoup de jeunes aussi. Ce que les socialistes veulent ? Une révolution! Car nous savons que le changement ne peut pas se faire autrement. Nous, nous souhaitons changer le système en entier, pour qu'il soit plus juste.”
Özge, 18 ans, infirmière dans le Gezi Parkı (photo de droite)
“Je suis ici depuis deux jours. Je veux aider les gens, nous avons eu beaucoup de blessures à soigner. Nous avons organisé cette infirmerie au centre même du Gezi Parkı pour soigner les malades dans un endroit facilement atteignable. Là, il est 15h et nous avons déjà beaucoup de travail... Moi, je veux juste la paix!”
Furkan, 21 ans, étudiant et militant écologiste (photo de gauche)
“Le premier jour (vendredi 31 mai, ndlr) a été vraiment très dur. Mais au fur et à mesure que les jours passent, cela devient plus facile pour nous parce que la police ne nous attaque plus ici, à Gezi Parkı. Je veux seulement protéger cet endroit, je ne veux pas me battre avec le gouvernement mais la vérité est que 90% de nos chaînes télévisées protègent Erdoğan. Elles ne montrent pas la réalité et nous avons besoin que cette réalité soit racontée. Nous resterons là jusqu'à ce que cela cesse.”
Orhan, 57 ans, vendeur de brochettes (photo de droite)
“Je ne suis qu'un simple commerçant qui suis fatigué de cette politique depuis dix ans. C'est une mauvaise politique! Nous voulons plus de démocratie et Erdoğan nous impose plus d'islam! Cela n'a aucun sens.”
Taygun, 25 ans, ouvrier (photo de gauche)
“Je suis né à Istanbul, j'aime cette ville. Je veux une révolution pacifique. Se battre pour la liberté, voilà pourquoi je suis ici. Pour résister. Il faudrait que le gouvernement démissionne.” (Il est en train de peindre une bannière pour décorer le parc, ndlr) “Voyez c'est écrit ici : nous voulons du changement pour la paix et la liberté. 'Turquie : libres et égaux' ”
Cemre, 26 ans, étudiante en sciences politiques et relations internationales (photo de gauche)
“Je veux plus que le simple départ d’Erdoğan. Notre régime est en train de dériver vers un régime présidentiel, ce n'est pas une bonne chose. C'est à cause de ca que nous en sommes là aujourd'hui. Je souhaite que les institutions changent complètement. Je veux une vraie république parlementaire. Les gens ici ne sont pas du tout satisfaits des décisions prises par Erdoğan. Occupy Gezi a réuni tous ces gens grâce à Facebook et Twitter. Avant, nous avions peur de manifester, aujourd'hui nous pouvons le faire, car nous nous sommes rassemblés. Mais il reste un problème majeur : la couverture médiatique. Elle est catastrophique. Les médias disent que nous cassons les infrastructures, détruisons les magasins et les rues mais en réalité c'est la police. Nous sommes pacifistes, nous ne devenons violents que lorsque la police nous attaque à coup de gaz lacrymogène. Alors là oui, nous nous défendons, mais c'est bien normal!”
Hasan Bektas, secrétaire général du Syndicat des travailleurs des transports unis (member de KESK), confédération syndicale des fonctionnaires (photo de droite)
“Nous avons décidé d'appeler à deux jours de grève pour manifester notre soutien aux manifestants pacifistes. La nuit dernière encore, il y a eu beaucoup de violence à leur encontre à Istanbul et à Ankara. Nous souhaitons une société qui se construit par le peuple, et pour lui. En bref, plus de démocratie. Par exemple, nous ne voulons pas juste améliorer un peu nos conditions de travail, nous voulons les meilleures conditions. Qu'est ce qu'il y a de mal à ca ?”
Kiraz, 17 ans, jeune anarchiste (photo de gauche)
“Je suis ici depuis vendredi, et ce soir, ce sera ma quatrième nuit dans le parc. Une anarchie autonome ce serait l'idéal. Nous nous portons très bien sans la police. Nous sommes organisés. Nous avons des infirmières, des cuisiniers, des gens qui distribuent de l'eau, d'autres qui ramassent les déchets. Chacun veille sur son voisin. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas rester comme cela tout le temps. Avec Erdoğan, c'est un peu la dictature, alors que là nous sommes libres. Et quand vous goutez à la liberté, il est difficile de revenir en arrière.”
Can, 33 ans, assistante de recherche (photo de droite)

"Nous ne sommes pas opposés à la politique économique d'Erdoğan, mais nous ne sommes plus libres. Le Premier ministre divise le peuple entre ceux qui sont religieux d'un côté, et ceux qui ne le sont pas de l'autre. On ne peut plus acheter d'alcool après 22 heures, on nous dit combien nous devons avoir d'enfants, au moins trois... Le gouvernement interfère trop dans nos vies."
Volga, 24 ans, professeur de physique (photo de gauche)

"Je suis là pour notre avenir et pour que nous, les supporteurs d'Atatürk, soyons le plus grand nombre possible. En tant que laïc, l'attitude du Premier ministre me dérange. C'est un islamiste. Et contrairement à ce qu'il dit, les gens réunis à Taksim ne sont pas des terroristes."
Nevru, 25 ans, styliste (photo de droite)

"Contrairement à ce que souhaite le Premier ministre, nous ne nous diviserons pas. Il ne parviendra pas à nous faire haïr les uns les autres. Que l'on soit alévi, sunnite, kurde, nous sommes tous humains, et nous sommes unis contre le fascisme. C'est pour ça que nous sommes là."

Ezel, 27 ans (photo de gauche)

"Ce parc est très important pour nous. Il est là depuis des générations et il y a de grosses manifestations qui s'y sont déroulées, notamment en 1997. On ne veut pas que le gouvernement en fasse un centre commercial. Nous sommes donc ici pour lui montrer que nous ne le laisserons pas faire."



Erbi, 23 ans, étudiant en informatique (photo de droite)
"En Turquie, les médias sont très liés au pouvoir. Aujourd'hui, ils écrivent que nous avons tort, et que nous sommes contrôlés par le CHP, mais c'est faux. Nous devons montrer que nous sommes tous ensemble, sans étiquette politique, et que nous avons raison de nous opposer à la destruction du parc."




Özhan, 33 ans, chercheur (photo de gauche)
"Erdoğan méprise les contestataires. Il se comporte comme un dictateur. Il interdit l'alcool et empêche les manifestants de se rassembler. Il divise la Turquie en deux parties : ceux qui sont avec lui, et ceux qui sont contre lui."





Propos recueillis par Diane Jean et Jonathan Grimmer (http://lepetitjournal.com/istanbul.html) mercredi 5 juin 2013

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