PKK – Abdullah Öcalan appelle à déposer les armesLe fondateur et chef emprisonné du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a appelé l’organisation à cesser les combats et à quitter la Turquie. Un message qualifié “d’historique”, alors qu’un dialogue politique est en cours pour négocier la paix après 30 ans de guerre.
Des centaines de milliers de personnes ont écouté, sur l’immense terrain vague qui accueillait les fêtes de Newroz à Diyarbakır ou en direct à la télévision, l’appel au cessez-le-feu d’Abdullah Öcalan. Une lettre de cinq pages, écrite depuis l’île-prison d'İmralı où il purge une peine à vie, lue en kurde puis en turc par deux députés du Parti de la paix et de la démocratie (BDP).
“Nous sommes arrivés à un point où les idées, et non les armes, doivent parler”, affirme le chef du PKK dès les premières lignes. Abdullah Öcalan appelle non seulement les armes à se taire mais aussi ceux qui les portent à quitter la Turquie. “Une nouvelle ère commence (…) Ce n’est pas l’arrêt de la lutte, mais le début d’une nouvelle lutte”, d’un “processus politique démocratique”, écrit-il encore.
A Diyarbakır hier (photo BDP Merkez, Facebook)
Cette lettre était attendue, connue du gouvernement turc qui l’avait lue la veille. Dévoilée ce 21 mars, jour du nouvel an kurde, au cours de célébrations autorisées par les autorités, elle ravive les espoirs de paix dans une pays endeuillé par trente années de guerre. Elle intervient trois mois à peine après le début de pourparlers – inédits car directs et médiatisés – entre le gouvernement turc et le leader du PKK.
Erdoğan: “Un développement positif”
“Ce n’est pas la première fois qu’Abdullah Öcalan appelle à un cessez-le-feu”, rappelle Deniz Zeyrek. Ce journaliste du quotidien Radikal, présent hier à Diyarbakır, cite notamment la trêve de 1999, l’année de l’arrestation d’Abdullah Öcalan. “Mais pour la première fois”, poursuit-il “Öcalan délivre un message susceptible d’être entendu par une large part de la population, et non plus seulement par le PKK ou le BDP. Il n’a pas parlé, par exemple, d’Etat kurde, de fédération ni même d’autonomie.”
Autant de mots qui auraient fait bondir une large part de la société turque. En l’état, la lettre d’Abdullah Öcalan a provoqué la colère des députés du parti ultranationaliste MHP, opposés aux pourparlers avec le “chef terroriste”. Hier à l’Assemblée, ils ont accroché sur leurs sièges des cartes de la Turquie frappées du drapeau turc.
Le gouvernement, en revanche, est apparu satisfait. Le ministre de l’Intérieur, Muammer Güler, a salué “un langage de paix” tandis que le Premier ministre Recep Tayyip Erdoğan qualifiait la déclaration de “développement positif”. “L’atmosphère en Turquie et dans la région changeront à partir du moment où ces messages seront effectivement mis en pratique. (Les militants du PKK) doivent quitter notre pays et dès lors qu’ils le feront, nos forces armées n’auront plus le luxe de mener des opérations” a ajouté le chef du gouvernement, avant de dénoncer l’absence de drapeaux turcs à la manifestation de Diyarbakır.
Le début d'un processus
Prudence de chaque côté, donc, car l’appel au cessez-le-feu et au retrait des combattants du PKK n’est qu’une première étape du “processus de paix” ou “processus de solution”, comme on le nomme ici. Son objectif ultime – l’abandon définitif des armes par l’organisation d’ici fin 2013, d’après Deniz Zeyrek – dépendra aussi de l’adoption de réformes pour développer les droits de la minorité kurde, un sujet sur lequel le gouvernement n’a pas encore fait de déclaration officielle.
Plusieurs questions restent en suspens, de la définition de la citoyenneté dans une nouvelle Constitution à la question de l’éducation en langue maternelle, en passant par le sort des combattants du PKK – Ankara se refuse à toute amnistie générale – et d’Abdullah Öcalan lui-même. “Liberté pour Öcalan” et ‘Un statut pour les Kurdes” étaient d'ailleurs les mots d'ordre des célébrations de Newroz à Diyarbakır.
“Ce qui compte désormais, c’est de savoir comment et où les militants (du PKK) vont déposer les armes, et quels pas le gouvernement et l’opposition vont accomplir”, commente Murat Yetkin, éditorialiste au quotidien anglophone Hürriyet Daily News. “Mais un seuil important, un seuil psychologique semble avoir été franchi aujourd’hui”, ajoute-t-il.
“Les semaines et les mois qui viennent vont être d’une importance capitale”, renchérit le journaliste Deniz Zeyrek, qui met en garde contre un nouvel échec. Une telle hypothèse pourrait ouvrir la voie à des “lendemains encore plus meurtriers”, dit-il, en raison des attentes suscitées et de l’implication des différents acteurs.
Le commandement militaire du PKK en Irak du Nord se serait pour l'heure engagé à déposer les armes, rapportait hier soir l'agence de presse prokurde Fırat News.
Anne Andlauer (http:/www.lepetitjournal.com/istanbul) vendredi 22 mars 2013
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