mercredi 20 mars 2013

SEMAINE DE LA FRANCOPHONIE – Marie-Christine Jung : "Le français a de l'avenir en Turquie"


Du 16 au 24 mars 2013, la francophonie est à l'honneur à Istanbul. L'occasion de faire un point sur les projets mis en place tout au long de l'année par l'Institut français. En poste depuis septembre 2012, Marie-Christine Jung est attachée de coopération pour le français. Après avoir occupé la même fonction à l'Institut français de Munich en Allemagne, elle œuvre désormais à développer la francophonie en Turquie.
Lepetitjournal.com d'Istanbul : En quoi consiste la fonction d'attachée de coopération pour le français et quelles sont vos activités ?
Marie-Christine Jung (photo MA): Le principal objectif de mon poste est bien sûr de promouvoir la langue française dans les établissements primaires et secondaires, ainsi que dans les départements des universités francophones. Un second volet de ma fonction est l'attribution et l'organisation des certifications de langue, à savoir le DELF (Diplôme d'études de la langue française) et le DALF (Diplôme approfondi de la langue française), qui sont les équivalents du TOEFL et du TOIC en anglais par exemple. Nous nous occupons également de la formation des professeurs.
Quels sont vos derniers projets en date ?
Cette semaine, j'ai par exemple invité une troupe de théâtre d'improvisation, "L'Instant T". Venue de Rennes, elle se produit aujourd'hui au Lycée St Joseph et vendredi au Lycée allemand dans une version franco-allemande à laquelle les élèves de Pierre Loti sont également conviés. Un concours intitulé "ça vient de sortir" a été lancé dès la mi-décembre à destination des écoles, lycées et universités d'Istanbul : il s'agissait de créer une affiche publicitaire en faveur d'un produit francophone imaginaire. 130 affiches ont été réalisées et sont exposées depuis lundi à l'Institut. En amont, j'avais mis en place une formation sur la publicité dans le monde francophone et 100 kits de formation ont été distribués aux professeurs. En introduisant les spots publicitaires français, suisses, belges, québécois dans les classes, nous espérons sensibiliser les élèves à la diversité culturelle de la francophonie.
Quelle place occupe la francophonie aujourd'hui en Turquie ?
En Turquie, l'anglais est évidemment prédominant car c'est devenu un instrument mondial de communication plus qu'une langue étrangère. En revanche, apprendre la langue française donne un avantage personnel et professionnel dans de multiples domaines. C'est dans cette optique que nous cherchons à favoriser le plus possible la mobilité des étudiants turcs vers la France. De nombreux étudiants voient aujourd'hui dans le français autre chose que la littérature, même si la littérature française est universelle et reste une part importante de la culture mondiale. Ils y voient un avantage concurrentiel sur le marché du travail, la possibilité d'un emploi dans le cadre de la coopération économique franco-turque, ou même – et c'est actuellement un aspect stratégique – dans le cadre des relations économiques et culturelles qui se nouent en ce moment entre la Turquie et le monde francophone. Il faut en effet garder à l'esprit qu'il y a plus de 50 pays francophones dans le monde, connaître le français c'est avoir une ouverture sur 50 marchés nationaux différents. Le sens du mot "francophonie" dépasse bien la France et les Turcs s'en sont rendu compte, notamment en Afrique.
Comment évaluez-vous le potentiel francophone de la Turquie ?
La francophonie à Istanbul, ce n'est pas as que l'Institut français : c'est aussi tout le dispositif qui l'entoure. L'essentiel est porté par les cinq lycées bilingues*, le lycée français Pierre Loti et l'ensemble scolaire de Galatasaray, université et lycée. Les lycées bilingues sont réellement synonymes de qualité : huit structures scolaires de Turquie, dont ces cinq lycées d'Istanbul, les lycées Tevfik Fikret d'Ankara et Izmir et le lycée Saint Joseph d'Izmir ont obtenu le label d'excellence "Francéducation", délivré par l’Éducation nationale française. C'est d'autant plus important qu'il n'y a que trente établissements labellisés dans le monde entier. Ce réseau francophone est notre principal partenaire pour mettre en place des projets culturels ou linguistiques, mais nous travaillons également beaucoup avec les départements de français des universités stambouliotes et les écoles primaires ou secondaires où le français est aussi déjà enseigné. D'ailleurs, nous intervenons souvent pour soutenir la formation initiale ou continue des professeurs de français. Le potentiel francophone est donc fort, en termes de qualité d'enseignement. En termes de quantité d'élèves ou d'étudiants ce potentiel est trop souvent soumis aux variations de la relation bilatérale. Nous souhaitons pouvoir dépasser cet aspect pour développer de façon pérenne la francophonie dans les établissements publics comme dans les privés où le français est populaire mais encore peu enseigné.
Le français a-t-il toujours autant "la cote" auprès de la population turque ?
Oui, malgré les difficultés d'ordre politique qu'il y a pu y avoir entre les deux pays, la grande majorité des Turcs aiment la France et la langue française, on le constate chaque jour et cela fait bien longtemps que ça dure ! En ce qui concerne les activités de l'Institut à Istanbul par exemple, les salles de spectacle ou d'exposition sont toujours remplies et il y a un fort potentiel, c'est un public jeune, plutôt étudiant et avide de culture, ce qui est un bon signe pour l'avenir. Pour ce qui est des cours de langue et des certifications, les chiffres sont en augmentation : en 2012, 4.228 certifications ont été délivrées, et on compte environ 5.000 inscriptions aux cours de langue par an. Les Turcs savent que la certification officielle d'un niveau de langue est très utile sur le marché de l'emploi, elle est même souvent obligatoire. Alors oui, le français a toujours la cote en Turquie.
Propos recueillis par Marlène Alibert (http://www.lepetitjournal.com/istanbul) mercredi 20 mars 2013
(*) Le lycée Saint-Benoît, le lycée Sainte-Pulchérie, le lycée Saint-Michel, le lycée Notre-Dame-de-Sion et le lycée Saint-Joseph.

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