mardi 26 juin 2012

PLAISIRS D'ETE - La glace de Kahramanmaraş


La chaleur de l'été a fait revenir avec elle les nombreux vendeurs de glaces, qu'ils soient fixes ou bien ambulants, installés derrière de petites gargotes, au détour des rues stambouliotes. Vous ne manquerez pas de repérer certains d'entre eux : habillés d'un gilet traditionnel, ils agitent avec vigueur une tige en métal dans des récipients contenant de la glace dite de Kahramanmaraş, cette spécialité turque à la curieuse allure de chewing-gum. Une crème glacée traditionnelle vieille de trois siècles, et venue tout droit de l'est de la Turquie.
Un plaisir simple en été (photo MT)
Acheter une glace de Kahramanmaraş - Kahramanmaraş dondurması en turc - se transforme parfois en un spectacle étonnant. Derrière sa gargote, le marchand de crème glacée plonge au fond d'un profond récipient une tige métallique longue de plus d'un mètre, qu'il se met à agiter énergiquement. Il retire ensuite le bâton du container, avec à son extrémité un morceau compact de pâte glacée. Le vendeur fait tourner le bloc de glace au bout du bâton afin d'étirer le mélange. Puis il s'arrête, brandit la tige de métal en l'air, et la crème glacée devenue élastique s'écoule lentement vers son récipient originel. La glace est prête. Le vendeur en dépose une boule dans un cornet, avant de la tendre à son futur propriétaire.
Cette spécialité sucrée, c'est la glace au sahlep. Elle est fabriquée à partir de lait, de sucre, et
bien sûr, de sahlep. Ce dernier ingrédient est une sorte de farine, obtenue à partir des bulbes séchés de fleurs d'orchidées. Le mot sahlep vient de l'arabe saleb, qui signifie testicules de renard. Un nom bien curieux, dû paraît-il à la forme des bulbes d'orchidées, ainsi qu'à leurs vertus aphrodisiaques.
Battre la glace pour lui donner sa texture onctueuse (photo MT)
C'est en tous cas grâce au sahlep que la crème glacée obtient sa consistance si particulière, car il agit comme un épaississant dans la fabrication du produit. " Le sahlep, le lait et le sucre sont mélangés dans des machines, jusqu'à ce que le tout devienne liquide. La crème glacée est ensuite entreposée au congélateur, et remuée régulièrement. Le processus d'élaboration est en réalité très simple " explique Zeki Çiğdem, qui vend ces fameuses crèmes glacées dans l'avenue Istiklal, juste au coin de la rue Turnacıbaşı. Cela fait douze ans qu'il est dans le métier. "Avant de la servir, nous battons la glace afin de lui donner sa texture onctueuse. Cela permet également de révéler tout l'arôme du sahlep " précise t-il. Et l'expérience gustative est plutôt intéressante : la texture douce et crémeuse se marie avec un petit côté élastique, qui rappelle le chewing-gum. Une glace à "mâcher " en quelques sortes. L'authentique glace au sahlep est nature, mais elle se décline à tous les parfums. Quel que soit l'arôme, on retrouve toujours comme une arrière note de lait concentré sucré.

Zeki Çiğdem, un vendeur de glaces sur l'Istiklal Caddesi (photo MT)
Cette glace est aujourd'hui majoritairement produite de façon industrielle, mais l'origine de ce dessert glacé est vieille de trois siècles. " C'est une spécialité originaire de la ville de Kahramanmaraş, située dans le sud-est de la Turquie " indique Zeki Çiğdem. Une région connue pour ses différentes sortes d'orchidées et sa production de sahlep. L'histoire veut que la naissance de cette glace soit le fruit du hasard. L'un des habitants de Kahramanmaraş laissa malencontreusement dehors par une nuit d'hiver un pot contenant de la boisson au sahlep, un breuvage chaud très consommé en Turquie lorsqu'il fait froid. La préparation a gelé, laissant place à une étrange crème glacée, dont le goût s'est avéré plutôt plaisant. La recette a ensuite subi des améliorations, avant de devenir ce qu'elle est à l'heure actuelle. Aujourd'hui, la glace au sahlep est une excellente ambassadrice de la cuisine turque à l'étranger. " Elle est désormais exportée en Égypte, en Arabie Saoudite, et même jusqu'à Singapour " indique fièrement Zeki Çiğdem.
Marie Tarteret (www.lepetitjournal.com/istanbul) mardi 26 juin 2012

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire