mardi 8 mai 2012

Ibn'Battuta à la géode du parc de la villette



Jusqu’au 31 mai prochain, la Géode (parc de la Villette, Paris 19e) propose Le grand voyage d’Ibn Battuta, de Bruce Neibaur. Projeté en mode Imax, le film retrace le périple du plus grand voyageur d’islam et de l’un des plus grands explorateurs de tous les temps. En 29 ans de voyages à travers le monde connu, Muhammad Ibn Battûta (1304-1369) aura parcouru 120.000 km, soit trois fois la distance parcourue par son prédécesseur occidental Marco Polo (1254-1324). Comme lui, il confiera à un homme de lettres le soin de coucher par écrit les longs récits qu’il fera de ses pérégrinations. Son Rustichello sera Ibn Juzayy qui, sur l’ordre du souverain mérinide Abû ‘Inân, compilera la Rihla ou «Voyages et périples». Un document rare, qui offre de riches descriptions de la vie économique et politique, mais aussi des mœurs et de la vie matérielle au sein du vaste ensemble afro-eurasiatique d’islam au XIVe siècle… Tout commence en 1325 quand à l’âge de 21 ans, le jeune Ibn Battûta quitte Tanger pour un pèlerinage à Mecque : Tunis, l’Egypte, la Syrie, — qu’il parcourra jusqu’aux confins de l’Arménie — puis enfin le Hijâz. Le pèlerinage accompli, au lieu de s’en retourner dans son Maroc natal, il continue vers l’Est : l’Irak et la Perse, puis à nouveau La Mecque où il restera deux ans pour compléter ses études de théologie. Il descend ensuite vers l’Arabie du Sud et le Yémen, puis s’embarque sur la mer Rouge en direction de la corne de l’Afrique : la Somalie et Zanzibar, terres musulmanes et passablement arabes. Il retourne à La Mecque en 1332 pour sept autres années d’études, avant de repartir : l’Asie mineure, chez les Tatares de la Russie — où le khan Özbeg le charge d’accompagner son épouse grecque rendre visite à son père, l’empereur de Byzance —, dans le Turkestan, le Khorassan, l’Afghanistan, et finalement en Inde où il officiera en qualité de haut fonctionnaire durant huit ans. Le sultan de Delhi Fîrûz Shâh Tughlûq l’enverra ainsi en Chine à la tête d’une fastueuse ambassade. Mais la jonque est détruite par une tempête le long des côtes indiennes. Il s’embarque pour les îles Maldives, où il assumera deux années durant la fonction de juge (qâdhî). Il quittera l’archipel pour faire l’ascension du Pic d’Adam (Jabal ar-Ruhûn) à Ceylan, lieu saint pour les hindous, les bouddhistes et les musulmans. Puis ce sera le Bengale de la dynastie Ilyâs Shâhî, Sumatra, dont le souverain est également musulman, et enfin la Chine : Quanzhou (Zaytûn), où vit une importante communauté arabo-persane, Hong-Tcheou, Canton et Pékin. Il reprend alors la route vers l’Ouest, vers Ormuz : à nouveau la Perse, Bagdad, Damas, le Caire, et un quatrième pèlerinage en 1348. Arrivé au Maroc après 24 ans, il ne tardera pas à repartir : l’Espagne musulmane et le Mali du puissant Mansa Sulaymân. C’est à Takedda, au cœur de l’Afrique noire, qu’un message royal l’invite à regagner la cour d’Abû ‘Inân à Fez, où il dictera sa Rihla. L’empire abbasside a depuis longtemps disparu, les royaumes ilkhanides qui lui ont succédé se lézardent en Irak et en Perse, ce monde musulman qu’a parcouru Ibn Battûta était certes morcelé en royaumes et en principautés, mais les pèlerins, les érudits et les commerçants qu’il a rencontrés dans cette immense Asie musulmane avaient comme lui conscience d’appartenir à une civilisation brillante, à une communauté universelle, fondée sur des valeurs religieuses et culturelles. Plus qu’aucun autre, Ibn Battûta aura pu admirer les dernières lueurs de cette civilisation que l’empire ottoman naissant n’arrachera que très partiellement aux ténèbres qui commencent à l’entourer.
Tunis

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