Strasbourg Il prend la défense d’une femme frappée à coups de crosse de carabineUn héros très discret
Hakan Cavdar : « Je pensais : “Et si jamais il me tire dessus ? “Puis, j’ai arrêté de réfléchir. J’ai vu qu’elle était au sol, ça m’a fait mal au cœur » Photo DNA – Marc Rollmann
Hakan Cavdar est allé au secours d’une femme de 50 ans samedi matin à Strasbourg, alors qu’elle se faisait frapper par son concubin à coups de crosse de carabine sur un parking situé près du lycée Couffignal. L’agresseur, qui venait de tuer par balle son rival amoureux, a été maintenu au sol par ce jeune homme qui fait désormais figure de sauveur. Mais qui ne s’en vante pas.
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Dans le tragique fait divers survenu samedi matin près du lycée Couffignal à Strasbourg, où un homme de 54 ans a tué son rival amoureux d’une balle en pleine poitrine (nos précédentes éditions), il est apparu de suite comme une sorte de « héros ». Hakan Cavdar, un jeune intérimaire de 21 ans qui habite chez ses parents dans le quartier de l’Elsau, passait par là pour aller au travail. Il a sauté sur l’agresseur, pourtant armé d’une carabine, alors que celui-ci frappait sa compagne à coups de crosse. Après s’être battu avec lui, il l’a maîtrisé au sol jusqu’à l’arrivée de la police. Ce geste courageux, qualifié de « très dangereux » par un enquêteur de la police judiciaire, a sauvé la vie d’une quinquagénaire qu’il n’avait jamais vue. Aujourd’hui, celle-ci reste hospitalisée dans un état grave, mais son pronostic vital ne semble plus engagé.
DNA : Que s’est-il passé samedi matin ?
Hakan Cavdar : J’étais en voiture et je passais avenue de Colmar avant de rejoindre l’autoroute. Quand j’ai tourné à droite, à hauteur de l’arrêt de bus, j’ai vu un homme qui pointait un fusil vers une voiture, côté passager. J’ai mis les warnings et j’ai attendu. Ça criait un peu et bout de cinq minutes, la dame est descendue et elle s’est mise directement à genoux. Elle a essayé d’attraper le fusil, alors l’homme l’a tiré vers lui pour le récupérer, et il a commencé à la taper avec la crosse.
« J’avais peur qu’il reprenne le dessus, qu’il récupère l’arme »
Il a peut-être mis vingt ou trente coups. La femme était allongée au sol, elle ne bougeait plus. Il a quand même continué à taper sur sa tête. À ce moment-là, je me suis dit que je devais intervenir.
L’homme ne m’avait pas vu. J’ai couru vers lui. Quand je suis arrivé à sa hauteur, il s’est retourné et je lui ai directement mis un coup au visage. Puis d’autres. Il m’a attrapé à l’épaule, et m’a tiré. Je suis tombé au sol avec lui. J’avais peur qu’il reprenne le dessus, qu’il récupère l’arme qui était à terre, juste à côté. Il s’est débattu mais j’ai donné des coups jusqu’à ce qu’il ne bouge plus. J’avais une bague au doigt, elle s’est cassée…
Après, j’ai décidé de le tirer et de l’éloigner de la voiture. Il me criait dessus dans une langue que je ne connaissais pas. Les policiers m’ont dit que c’était peut-être de l’alsacien. Puis j’ai tout lâché. On s’est regardé dans les yeux, dix ou quinze secondes. Et je suis allé voir la dame. Il y avait beaucoup de sang sur sa tête. Elle avait les yeux grands ouverts. Elle avait peur, ça se voyait. Je lui ai demandé si elle allait bien, elle ne m’a pas répondu.
J’ai ensuite jeté un coup d’œil dans la voiture, c’était une Citroën C4. Il y avait un homme. Il ne faisait aucun geste, aucun bruit. Je me rendais compte que quelque chose de grave s’était passé. À l’arrêt de tram, j’ai vu que des gens applaudissaient. Dix secondes après, les policiers sont arrivés. Ils m’ont tout de suite félicité même s’il y avait beaucoup de tension quand ils sont arrivés : trois personnes étaient allongées, et j’étais le seul debout. Ils ont d’abord eu un doute.
On m’a demandé de monter dans un véhicule de police pour aller au commissariat, mais j’ai voulu prendre ma voiture. Un agent m’a accompagné, et on y est allé. Là-bas, j’ai d’abord bu un peu d’eau et je me suis assis. J’étais encore sous le coup du choc. Puis il y a eu l’audition. Les policiers m’ont surtout demandé de bien préciser les gestes que j’avais faits.
Qu’avez-vous fait ensuite ? Êtes-vous allé au travail ?
Oui, j’y étais à 11 h. Mais après, je n’ai fait que penser à cela, tout le week-end. Surtout samedi soir. Je ne me suis endormi que vers 6 h ou 7 h du matin. Ça tournait en boucle dans ma tête.
Que vous êtes vous dit ?
J’ai pris conscience que j’avais risqué ma vie pour elle. Je suis assez fier que ça se soit terminé comme ça.
Avant de courir vers l’agresseur, vous avez observé la scène durant plusieurs minutes. Que ressentiez-vous à ce moment-là ?
De la peur. Je n’avais jamais vu un fusil aussi long. Je pensais : « Et si jamais il me tire dessus ? » Puis, j’ai arrêté de réfléchir. J’ai vu qu’elle était au sol, ça m’a fait mal au cœur. Je me suis dit qu’elle allait mourir, et qu’il valait mieux que je prenne des coups plutôt qu’elle. Je préférais les prendre à sa place.
« Je ne veux pas passer pour un vantard »
Avez-vous parlé de votre expérience à vos proches ?
Oui, j’ai raconté en gros ce qui s’était passé, pas dans le détail. Ils ont trouvé ça bien, mais ils ont aussi eu peur qu’il y ait des représailles.
Avez-vous cherché à prendre des nouvelles de la victime ?
Oui, la police judiciaire m’a donné des nouvelles, et une juge m’a dit qu’elle allait mieux… Moi j’ai appelé l’hôpital, mais ils m’ont répondu qu’ils ne peuvent rien dire au téléphone, qu’il faut venir. Mais j’ai peur d’y aller, de rencontrer la famille qui doit être choquée. Je suis timide et je ne veux pas passer pour un vantard alors qu’elle va mal. J’aimerais bien la voir, mais c’est sans doute trop tôt pour l’instant. En tout cas, j’espère que cette femme va s’en remettre, et sa famille aussi.
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