UNIVERSITÉ DE GALASATARAY - Jean-Jacques Paul, recteur adjoint: “Avoir fait l’effort d’apprendre le français est un critère d’embauche”
Quelques mois après sa prise de fonction, le 25 septembre dernier, le recteur adjoint de l’université de Galatasaray a reçu lepetitjournal.com d’Istanbul. Jean-Jacques Paul évoque ses priorités pour l’établissement, notamment la recherche. Il compare sa mission à celle qu’il assumait à Phnom Penh, où il était chef de projet économie-gestion à l’Université royale de Droit et de Sciences économiques. Il livre enfin ses impressions sur sa nouvelle ville d’accueil.
Lepetitjournal.com d’Istanbul : Quel a été votre parcours jusqu’au poste que vous occupez actuellement ?
Jean-Jacques Paul (photo MD): Je suis professeur d’économie. Je viens de Dijon, de l’université de Bourgogne. Avant de partir à Phnom Penh, j’étais le doyen de la faculté de sciences économiques et de gestion. J’avais dirigé un laboratoire CNRS en économie et sociologie de l’éducation. J’ai passé quatre ans et demi à Phnom Penh. Je connaissais déjà l’Asie du sud-est, j’avais conduit des recherches au Vietnam, au Laos. J’avais aussi travaillé en Afrique francophone, en Afrique lusophone, souvent sur des missions d’un mois dans mon domaine de recherches. Bien avant cela, à la fin des années 80, j’avais connu une autre expatriation au Brésil, où j’étais resté trois années. Phnom Penh a donc été ma deuxième expatriation et j’avoue que l’expérience m’a plu, d’où mon envie de la reproduire. Quand j’ai appris que le poste de recteur adjoint de l’université de Galatasaray était vacant, j’ai candidaté et j’ai été sélectionné par le ministère des Affaires étrangères.
Jean-Jacques Paul (photo MD): Je suis professeur d’économie. Je viens de Dijon, de l’université de Bourgogne. Avant de partir à Phnom Penh, j’étais le doyen de la faculté de sciences économiques et de gestion. J’avais dirigé un laboratoire CNRS en économie et sociologie de l’éducation. J’ai passé quatre ans et demi à Phnom Penh. Je connaissais déjà l’Asie du sud-est, j’avais conduit des recherches au Vietnam, au Laos. J’avais aussi travaillé en Afrique francophone, en Afrique lusophone, souvent sur des missions d’un mois dans mon domaine de recherches. Bien avant cela, à la fin des années 80, j’avais connu une autre expatriation au Brésil, où j’étais resté trois années. Phnom Penh a donc été ma deuxième expatriation et j’avoue que l’expérience m’a plu, d’où mon envie de la reproduire. Quand j’ai appris que le poste de recteur adjoint de l’université de Galatasaray était vacant, j’ai candidaté et j’ai été sélectionné par le ministère des Affaires étrangères.
Connaissiez-vous déjà Istanbul et son université de Galatasaray ?
Je connaissais un peu Istanbul pour y être venu quatre jours comme touriste avec mon épouse en 1996. Je connaissais bien sûr Galatasaray de réputation. Je suis entré en contact avec Hélène Zajdela (recteur adjointe de 2007 à 2012, ndlr) dès que j’ai su que le poste se libérait. J’avais envie de connaître une nouvelle expérience dans le prolongement de la précédente, dans un pays qui m’intéressait beaucoup et dans un contexte géopolitique assez passionnant. Sans vouloir dire des banalités, il est vrai que la situation d’Istanbul, à la rencontre de différents mondes, était intéressante. Je garde encore un peu un pied en Asie.
Je connaissais un peu Istanbul pour y être venu quatre jours comme touriste avec mon épouse en 1996. Je connaissais bien sûr Galatasaray de réputation. Je suis entré en contact avec Hélène Zajdela (recteur adjointe de 2007 à 2012, ndlr) dès que j’ai su que le poste se libérait. J’avais envie de connaître une nouvelle expérience dans le prolongement de la précédente, dans un pays qui m’intéressait beaucoup et dans un contexte géopolitique assez passionnant. Sans vouloir dire des banalités, il est vrai que la situation d’Istanbul, à la rencontre de différents mondes, était intéressante. Je garde encore un peu un pied en Asie.
Vous connaissiez l’université de Galatasaray “de réputation”, dites-vous. Pourriez-vous préciser ?
La réputation de Galatasaray est telle qu’elle attire de nombreux étudiants de toute la Turquie dans ses différents départements. La qualité des étudiants participe évidemment à celle de l’établissement. C’est un cercle vertueux. C’est certes plus ou moins vrai selon les départements. Si l’on en croit les rangs de classements des candidats au concours national, la faculté de droit, par exemple, fait partie des départements les plus prestigieux, tout comme la faculté de communication. Je n’ai pas encore le recul suffisant pour juger de la qualité de l’ensemble des étudiants, y compris en tant qu’enseignant puisque je donne un cours hebdomadaire à la faculté d’économie en quatrième année. Comme ils proviennent de la réforme de l’enseignement du français, nous avons mis deux promotions ensemble donc j’ai environ 70 étudiants alors que l’une des caractéristiques de Galatasaray – et c’est l’avantage d’être une université francophone – ce sont ses petits groupes de 25 ou 30 étudiants. Et puis cet établissement est plutôt un lieu stimulant, intellectuellement et géographiquement. Les enseignants français qui arrivent ici sont toujours enchantés par le lieu, ce qui participe aussi de l’attractivité de l’université – il ne faut pas s’en cacher.
La réputation de Galatasaray est telle qu’elle attire de nombreux étudiants de toute la Turquie dans ses différents départements. La qualité des étudiants participe évidemment à celle de l’établissement. C’est un cercle vertueux. C’est certes plus ou moins vrai selon les départements. Si l’on en croit les rangs de classements des candidats au concours national, la faculté de droit, par exemple, fait partie des départements les plus prestigieux, tout comme la faculté de communication. Je n’ai pas encore le recul suffisant pour juger de la qualité de l’ensemble des étudiants, y compris en tant qu’enseignant puisque je donne un cours hebdomadaire à la faculté d’économie en quatrième année. Comme ils proviennent de la réforme de l’enseignement du français, nous avons mis deux promotions ensemble donc j’ai environ 70 étudiants alors que l’une des caractéristiques de Galatasaray – et c’est l’avantage d’être une université francophone – ce sont ses petits groupes de 25 ou 30 étudiants. Et puis cet établissement est plutôt un lieu stimulant, intellectuellement et géographiquement. Les enseignants français qui arrivent ici sont toujours enchantés par le lieu, ce qui participe aussi de l’attractivité de l’université – il ne faut pas s’en cacher.
Combien d’élèves avez-vous accueillis à la rentrée 2012 ?
Nous avons accueilli 400 nouveaux étudiants de licence à la rentrée 2012-2013 et comptons au total 3.790 étudiants, dont 1.250 en master et 174 en doctorat. C’est environ 1.700 de plus qu’il y a dix ans. Les cours sont assurés cette année par 231 enseignants sous contrat turc et par 40 enseignants sous contrat français.
Nous avons accueilli 400 nouveaux étudiants de licence à la rentrée 2012-2013 et comptons au total 3.790 étudiants, dont 1.250 en master et 174 en doctorat. C’est environ 1.700 de plus qu’il y a dix ans. Les cours sont assurés cette année par 231 enseignants sous contrat turc et par 40 enseignants sous contrat français.
Quelle continuité voyez-vous entre votre expérience au Cambodge et celle que vous entamez en Turquie ?
L’enjeu, pour moi, reste le même : promouvoir le français dans des pays qui ne sont pas ou plus francophones. L’anglais s’est affirmé, notamment pour les universitaires en termes de recherches. L’essentiel de la communication scientifique se fait en anglais. Individuellement ou en tant qu’université, vous êtes de plus en plus évalués sur votre production de recherches et si vous voulez publier dans des revues internationalement reconnues, il faut publier en anglais. Il y a donc des tiraillements y compris, je le vois bien, pour nos enseignants turcs qui ont fait leurs études en France, leur doctorat en France et reviennent enseigner. Mais lorsqu’il s’agira pour eux de développer des relations scientifiques, d’être présents dans des réseaux, ils utiliseront l’anglais comme nous l’utilisons nous-mêmes. Cela place un universitaire qui n’est pas francophone d’origine dans une position difficile. L’objectif ici, comme c’était le cas au Cambodge, est de produire des étudiants trilingues, qui doivent évidemment parler anglais et pour lesquels le français sera l’élément distinctif pour faciliter leur insertion professionnelle. Car du point de vue d’une entreprise, avoir fait l’effort d’apprendre le français dans un pays non francophone est le signe d’une motivation, d’une implication et c’est vraiment un critère d’embauche, au-delà du français en tant que tel.
L’enjeu, pour moi, reste le même : promouvoir le français dans des pays qui ne sont pas ou plus francophones. L’anglais s’est affirmé, notamment pour les universitaires en termes de recherches. L’essentiel de la communication scientifique se fait en anglais. Individuellement ou en tant qu’université, vous êtes de plus en plus évalués sur votre production de recherches et si vous voulez publier dans des revues internationalement reconnues, il faut publier en anglais. Il y a donc des tiraillements y compris, je le vois bien, pour nos enseignants turcs qui ont fait leurs études en France, leur doctorat en France et reviennent enseigner. Mais lorsqu’il s’agira pour eux de développer des relations scientifiques, d’être présents dans des réseaux, ils utiliseront l’anglais comme nous l’utilisons nous-mêmes. Cela place un universitaire qui n’est pas francophone d’origine dans une position difficile. L’objectif ici, comme c’était le cas au Cambodge, est de produire des étudiants trilingues, qui doivent évidemment parler anglais et pour lesquels le français sera l’élément distinctif pour faciliter leur insertion professionnelle. Car du point de vue d’une entreprise, avoir fait l’effort d’apprendre le français dans un pays non francophone est le signe d’une motivation, d’une implication et c’est vraiment un critère d’embauche, au-delà du français en tant que tel.
Quels seront vos priorités à ce poste ?
J’arrive avec une certaine modestie. Je suis en poste depuis un peu plus de trois mois, je ne prétends pas connaître la Turquie et le contexte turc. Je regarde le travail réalisé par mes prédécesseurs. Ma volonté est de contribuer à développer l’université, d’en faire un établissement qui pourra continuer à concurrencer de grandes universités turques. En termes numériques, Galatasaray est une petite université, un petit îlot dans le paysage universitaire turc. L’avenir de Galatasaray se fera à travers l’excellence, qui doit s’appuyer sur l’excellence des institutions françaises. La particularité de Galatasaray est d’être portée par un consortium d’universités françaises. L’un de nos enjeux est donc la recherche. Nous n’avons pas assez de projets de recherches menés conjointement avec des universités françaises, alors que Galatasaray pourrait être un partenaire solide pour des montages de projets européens, par exemple. Or, pour l’instant, nous n’en avons pratiquement pas, certainement parce que nous sommes “petits” donc moins visibles, que nous n’avons pas d’économies d’échelle, moins de personnel pour se dédier au montage de ce genre d’activités. Et aussi, peut-être, une méconnaissance de la part de certains collègues français des possibilités de collaborations qui pourraient s’offrir à Galatasaray. Ce sera donc l’un de mes principaux dossiers. Nous cherchons également à renforcer nos liens avec les universités françaises du consortium d’appui à l’Université, avec la mise en place de diplômes français délocalisés à Galatasaray et de doubles diplômes. De même, nous souhaitons entretenir des liens dynamiques avec les entreprises, notamment françaises, en leur proposant de conduire des études en partenariat.
J’arrive avec une certaine modestie. Je suis en poste depuis un peu plus de trois mois, je ne prétends pas connaître la Turquie et le contexte turc. Je regarde le travail réalisé par mes prédécesseurs. Ma volonté est de contribuer à développer l’université, d’en faire un établissement qui pourra continuer à concurrencer de grandes universités turques. En termes numériques, Galatasaray est une petite université, un petit îlot dans le paysage universitaire turc. L’avenir de Galatasaray se fera à travers l’excellence, qui doit s’appuyer sur l’excellence des institutions françaises. La particularité de Galatasaray est d’être portée par un consortium d’universités françaises. L’un de nos enjeux est donc la recherche. Nous n’avons pas assez de projets de recherches menés conjointement avec des universités françaises, alors que Galatasaray pourrait être un partenaire solide pour des montages de projets européens, par exemple. Or, pour l’instant, nous n’en avons pratiquement pas, certainement parce que nous sommes “petits” donc moins visibles, que nous n’avons pas d’économies d’échelle, moins de personnel pour se dédier au montage de ce genre d’activités. Et aussi, peut-être, une méconnaissance de la part de certains collègues français des possibilités de collaborations qui pourraient s’offrir à Galatasaray. Ce sera donc l’un de mes principaux dossiers. Nous cherchons également à renforcer nos liens avec les universités françaises du consortium d’appui à l’Université, avec la mise en place de diplômes français délocalisés à Galatasaray et de doubles diplômes. De même, nous souhaitons entretenir des liens dynamiques avec les entreprises, notamment françaises, en leur proposant de conduire des études en partenariat.
Pour finir, puisque vous venez d’arriver, quelles sont vos premières impressions sur Istanbul ?
A Istanbul, j’ai retrouvé Sao Paulo. Non pas, évidemment, quand je me promène sur la Corne d’Or mais dans sa banlieue, avec ses gratte-ciel, ses centres commerciaux. Ce n’est pas l’image que je me faisais d’Istanbul. Quand nous sommes arrivés du Cambodge cet été, nous avons été effarés car les Cambodgiens sont des gens très calmes, très “zen”. Ils conduisent lentement, pas très bien mais lentement. On ne s’invective jamais, on ne klaxonne jamais. Ce n’est pas le cas ici ! Les gens sont plus rapides, plus énervés… C’est sans doute le point qui m’a le plus surpris en arrivant. Mais les Turcs, évidemment, gagnent à être connus. Ils sont chaleureux, accueillants, attachants comme les Cambodgiens le sont.
A Istanbul, j’ai retrouvé Sao Paulo. Non pas, évidemment, quand je me promène sur la Corne d’Or mais dans sa banlieue, avec ses gratte-ciel, ses centres commerciaux. Ce n’est pas l’image que je me faisais d’Istanbul. Quand nous sommes arrivés du Cambodge cet été, nous avons été effarés car les Cambodgiens sont des gens très calmes, très “zen”. Ils conduisent lentement, pas très bien mais lentement. On ne s’invective jamais, on ne klaxonne jamais. Ce n’est pas le cas ici ! Les gens sont plus rapides, plus énervés… C’est sans doute le point qui m’a le plus surpris en arrivant. Mais les Turcs, évidemment, gagnent à être connus. Ils sont chaleureux, accueillants, attachants comme les Cambodgiens le sont.
Propos recueillis par Meriem Draman et Anne Andlauer (www.lepetitjournal.com/istanbul) jeudi 10 janvier 2013
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire