vendredi 15 juin 2012

La Turquie, nouveau rêve européen ?


Par Maud Druais | zaman france jeu, 14/06/2012 - 17:11

La crise économique a poussé de nombreux Grecs à traverser la frontière turque à la recherche d’un travail, dans un pays en pleine croissance qui brille par son dynamisme économique. Un phénomène qui montre l’inversion des tendances migratoires historiques en Europe.
La Turquie, aux frontières de l’Europe et limitrophe avec la Grèce, dont on a longtemps craint une émigration massive, connaît une inversion de ses flux migratoires. Est-ce symptomatique ? Pour Dimitris Triantaphyllou, professeur à l’université Kadir Has qui s’exprimait sur Arte «il y a dix ou douze ans, personne n’aurait imaginé ça mais les esprits ont évolué». La situation des universités est tellement dégradée en Grèce, qu’il était préférable pour lui de quitter Athènes pour Istanbul. Son université d’accueil lui a même proposé d’ouvrir un laboratoire de recherche sur les études européennes, chose impensable en Grèce à l’heure de l’austérité économique et donc des coupes budgétaires dans tous les domaines. Il n’est pas le seul. Ces derniers mois, l’émigration des Grecs vers la Turquie s’est accélérée en raison de la crise économique qui frappe durement le pays. La Turquie devient un pays d’immigration, signe que tout va bien et que l’Europe, au contraire, fait de moins en moins rêver. L’émigration des Grecs est d’autant plus symbolique que la Grèce est le berceau de la civilisation européenne : les Européens quittent l’Union européenne (UE), attirés par le dynamisme de l’économie turque qui enregistre de forts taux de croissance.
De réelles opportunités économiques
La Turquie est en effet un marché émergent de plus de 70 millions d’habitants où les opportunités économiques sont réelles. De nombreux Européens – n’ayant aucune attache culturelle avec la Turquie - aux qualifications différentes se rendent dans ce pays à la recherche d’un emploi ou pour y créer leur entreprise. Istanbul, en particulier, attire de plus en plus d’étrangers. Le phénomène est très sensible chez les Grecs, qui considèrent qu’en dépit du passé, il existe une réelle proximité culturelle entre les deux populations turque et grecque. «Nous avons le même mode de vie, la même mentalité, nous sommes tous des passionnés ! Finalement, la seule vraie différence, c’est la religion», s’exclame Rania, employée de bureau, au micro d’Arte.
Depuis la fin de la guerre froide, la Turquie est devenue terre d’immigration pour de nombreuses populations en provenance des Etats de l’ex-union soviétique, ainsi que du Proche-Orient. Ce qui change, c’est l’arrivée récente de plus en plus d’Européens de l’ouest, et le retour au pays d’enfants d’immigrés turcs. Parallèlement, l’émigration des Turcs vers les pays de l’Union européenne a considérablement diminué. A terme, si la tendance se confirme, la Turquie deviendra un pays d’immigration accueillant des flux d’étrangers en provenance de l’Union européenne, inversant la tendance historique.
La Turquie, toujours plaque-tournante de l’immigration clandestine
Si la Turquie tend à devenir pays d’immigration, elle est aussi devenue la plaque-tournante de l’immigration clandestine vers les pays de l’Espace Schengen, notamment grâce à l’ouverture de liaisons aériennes à bas prix sur Istanbul, a souligné le rapport 2012 de l’agence Frontex, qui coordonne la surveillance des frontières extérieures de l’UE. «La frontière entre la Grèce et la Turquie va demeurer en 2013 un point de passage de clandestins avec des niveaux d’interceptions similaires à ceux de 2011, soit entre 40 et 57.000 par an», affirme l’agence européenne pour la gestion de la coopération aux frontières extérieures. Cette situation est la conséquence de la politique du gouvernement turc en matière d’octroi de visas et du développement de liaisons aériennes turques, analyse Frontex. Les filières de passeurs sont très structurées. Des vols à bas coût sont organisés au départ de plusieurs villes d’Afrique à destination d’Istanbul, redevenue «la Sublime Porte pour l’Union européenne», dénoncent des diplomates de l’UE.
Paris

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