lundi 11 juin 2012

L’avortement, en France et en Turquie


Lors d'une manifestation devant le lycée Galatasaray le 8 juin dernier (photo AA)
  • À quand remonte la dépénalisation de l’avortement ?
En France : “loi Veil” de 1975 (du nom de la ministre de la Santé de l’époque, Simone Veil)
En Turquie : depuis 1965, l’IVG est autorisé pour raisons médicales (lorsque la vie de la femme est en danger ou en cas de malformation fœtale grave). Une loi de 1983 instaure une durée légale pour les autres cas.
  • Quelle est la durée légale pour pratiquer une IVG ?
En France, la loi Veil autorise l’IVG jusqu’à la fin de la dixième semaine de grossesse. Une révision de 2001 allonge ce délai à douze semaines de grossesse, soit 14 semaines après le 1er jour des dernières règles. Pour des raisons médicales, l’interruption de grossesse peut être réalisée quel que soit le terme de la grossesse, sur dossier et avis d’un comité d’experts à la demande de la femme.
En Turquie, l’IVG peut être pratiquée jusqu’à la fin de la dixième semaine de grossesse. Lors des débats sur la réforme du code pénal en 2004, des associations féministes avaient demandé que cette durée soit portée à douze semaines, en vain. Pour des raisons médicales, l’interruption de grossesse peut être réalisée au-delà de la durée légale après avis d’un comité d’experts. Le code pénal (art. 99) précise également que “si la femme tombe enceinte à la suite d’un acte criminel” – en l’occurrence, un viol – le médecin qui pratique l’avortement ne peut être sanctionné, “à condition que le délai ne dépasse pas vingt semaines et que la femme soit consentante”.
  • Dans quelles conditions l’IVG peut-elle être pratiquée?
En France, la jeune fille mineure non émancipée doit en principe avoir l'autorisation d'un représentant légal mais elle doit donner son propre consentement en dehors de la présence de ses parents. Si le dialogue familial est impossible, la jeune fille peut se passer de l'autorisation parentale. Elle doit alors se faire accompagner par une personne majeure de son choix (adulte de son entourage ou membre du planning familial par exemple). Le rôle de cet adulte est de l'accompagner et de la soutenir psychologiquement.
En Turquie, pour les femmes mariées, le consentement de l’époux est requis, sauf lorsque la vie de la femme est en danger immédiat. Le consentement parental (ou autre représentant légal) est obligatoire pour les mineures.
  • Quelles sont les méthodes d’IVG ?
En France, la méthode “chirurgicale” est exclusivement pratiquée en établissement de santé et nécessite dans la plupart des cas une hospitalisation inférieure ou égale à 12 heures. Cette méthode requiert différents moyens, le plus courant étant l'aspiration. Elle est pratiquée sous anesthésie locale ou générale. La méthode “médicamenteuse” est réalisée en deux prises éloignées de médicaments, l'un interrompant la grossesse, l'autre provoquant des contractions et l'expulsion de l'embryon. Elle peut être pratiquée en médecine de ville, en établissement de santé ou en centre de planification familiale. L'IVG médicale est obligatoirement réalisée en établissement au-delà de la fin de la 5ème semaine de grossesse (7ème semaine après le début des dernières règles).
En Turquie, c’est la méthode chirurgicale (le plus souvent par aspiration) qui est pratiquée, sous anesthésie locale ou générale et obligatoirement par ou sous la supervision d’un gynécologue. La pilule RU-486 ou Mifégyne®, utilisée pour les IVG médicamenteuses en France, n’est pas disponible en Turquie.
  • Combien coûte une IVG ?
En France, le coût forfaitaire d'une IVG chirurgicale est de 250 à 390 euros (dans un établissement public ou privé à but non lucratif). Il varie entre 300 et 450 euros dans un établissement privé à but lucratif. Ces prix sont indicatifs. Ils peuvent varier en fonction de la durée de l'hospitalisation, du recours à l'anesthésie locale ou générale. L’IVG médicamenteuse coûte 257 euros à l’hôpital, entre 260 et 270 euros dans un établissement de santé privé et 190 euros dans un cabinet médical.
En Turquie, le coût d’une IVG chirurgicale varie beaucoup selon le médecin et l’établissement de santé (entre 400 et 1200 livres turques). Sur internet, des sites mettent en garde contre les IVG à prix d’or (jusqu’à 3000 TL). A l’inverse, ils avertissent contre les établissements qui, pour être moins chers, réutiliseraient après désinfection les canules (petit tube en plastique relié à l’appareil aspirateur) en principe à usage unique.
  • L’IVG est-elle remboursée ?
En France, l'IVG pratiquée en établissement est remboursée à 80 % par l'assurance maladie. L'IVG médicamenteuse pratiquée en médecine de ville ou en consultation externe d'un établissement hospitalier est prise en charge à 70 %. La différence (ticket modérateur) reste à la charge de l'assurée ou de sa mutuelle, si celle-ci le prévoit. Pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), la prise en charge est de 100 %. A noter que la prise en charge est intégrale pour une mineure sans consentement parental.
En Turquie, l'IVG pratiquée en établissement hospitalier est remboursée par la sécurité sociale (SGK). Celle-ci ne prend pas en charge les IVG pratiquées dans le secteur privé. Par ailleurs, la plupart des mutuelles ne prévoient pas le remboursement d’une “l’IVG sur demande” (pratiquée en l’absence de raisons médicales).
  • Combien d’IVG sont pratiquées chaque année ?
En France, un peu plus de 222.100 avortements ont été pratiqués en 2009 (dont 11.670 sur des mineures), contre 222.800 en 2008. Globalement, à l'hôpital et en cabinet, plus d’une IVG sur deux est désormais médicamenteuse.
En Turquie, d’après le ministre de la Santé, 60.140 IVG ont été pratiquées en 2009, 58.186 en 2010 et 69.364 en 2011.
  • Quelle était la situation avant la dépénalisation ?

En France, l'avortement a longtemps été pénalisé, passible des travaux forcés à perpétuité voire de la peine de mort (Marie-Louise Giraud, dite “la faiseuse d'anges”, avorteuse pendant la guerre, a été guillotinée en 1943). Avant la légalisation de l'IVG en 1975, deux femmes mouraient en moyenne chaque mois des suites d'avortements clandestins.
En Turquie, au début des années 1980 (avant la dépénalisation), 400.000 avortements étaient pratiqués chaque année selon Ayşe Akın, l’une des architectes de la loi de 1983. Parmi eux, environ 50.000 étaient des “auto-avortements” (réalisés par les femmes elles-mêmes avec une aiguille à tricoter, un cintre et autres techniques dangereuses). Avant la dépénalisation, une mort de mère sur deux était due à un avortement. Après, ce chiffre est passé à 5 morts sur 1.000, affirme encore Ayşe Akın.
Anne Andlauer (www.lepetitjournal.com/istanbul) lundi 11 juin 2012
Sources : service-public.fr, planning-familial.org, Drees, kurtajrehberi.net, hastane.com.tr, saglikdanisma.net

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