jeudi 16 mai 2013

EXPOS-TROC, VOUS CONNAISSEZ ? – Quand l’art n’est pas à vendre mais à échanger


L’architecte d’intérieur Selin Feyzioğlu organise depuis trois ans des expos-troc avec Sibel Özdoğan et Güray Oskay, tous deux architectes. Un concept qui prend tout son sens dans un contexte de mercantilisation de l’art...
Lepetitjournal.com d’Istanbul : Pourriez-vous nous expliquer votre concept ?
Selin
Feyzioğlu : Il s’agit d’une exposition d’art mixte. Toutes les formes d’art sont possibles. Chaque artiste amène une œuvre, qui n’est pas à vendre, mais à échanger contre ce que les gens peuvent proposer. Il y a encore de nombreux milieux dans lesquels on n’achète pas d’œuvres d’art, surtout en Turquie. Le but était d’ouvrir le marché de l’art à tout le monde. L’art dans les galeries est devenu trop commercial. On souhaitait revenir à quelque chose de plus artistique et recréer un lien entre l’artiste et le public. Pour les artistes turcs, c’est très important que l’argent ne soit pas au premier plan dans le domaine de l’art.
Comment vous est venue cette idée ?
Ce concept existait déjà auparavant dans plusieurs pays d’Europe, à commencer par la Belgique, où j’ai vécu plusieurs années. Nous souhaitions donc l’importer en Turquie, où il n’existait pas encore. Nous sommes trois à nous être associés : Sibel Özdoğan et Güray Oskay sont architectes, et je suis architecte d’intérieur. Güray et moi travaillions dans le même bureau il y a deux ans. En en discutant un jour, on a décidé de lancer le concept en Turquie.
Selin Feyziogglu - Güray Oskay - Sibel Özdogan (photo SF)
L’objectif d’élargir le public a-t-il été atteint ?
Oui et non. On reste beaucoup entre connaissances. Surtout les premières années, ce sont avant tout nos amis et les amis des artistes qui viennent. On a pu se faire un peu plus entendre, notamment grâce au Lycée Saint-Michel, qui a décidé de nous sponsoriser cette année. On cherche toujours à élargir le cercle. Des gens ont acquis une œuvre grâce à ce concept, alors qu’ils n’avaient jamais pu en acheter avant, malgré leur désir. Tous les retours étaient positifs, et c’était agréable de voir qu’il s’agissait de personnes qui apprécient réellement l’art.
Comment les artistes participants sont-ils choisis ? Est-ce que ce sont eux qui viennent à vous ?La première chose à faire a été de trouver des artistes, ce qui n’a pas été trop difficile, car nous avons réalisé qu’il y en avait beaucoup autour de nous, ce qui nous a permis d’en réunir trente. La deuxième année, les gens sont beaucoup venus par eux-mêmes. Ils nous ont contactés par Facebook ou par mail. Nous avons eu quarante participants pour la deuxième année. Pour la troisième édition, qui aura sûrement lieu dans un an, nous avons déjà une liste de quarante personnes ! On fait donc une petite sélection : on doit avoir un critère de base pour ne pas faire baisser la qualité de l’exposition. Mais on n’a pas envie d’imposer des choses. C’est bien que l’on soit trois, car nous avons tous des idées différentes, ce qui nous permet de trouver un consensus.
Avez-vous eu besoin de fonds pour lancer le projet ?Non, on ne souhaite pas que l’argent devienne un facteur important. La première année, on a dû dépenser une petite somme pour les étiquettes que l’on devait déposer à côté des tableaux. On a fait tout le reste par Internet, avec l’aide de quelques connaissances. Mon copain s’est ainsi chargé bénévolement de l’email-marketing. Le maquettiste de Saint-Michel s’est chargé du logo, des affiches, des invitations. Saint-Michel nous a permis de ne pas mettre d’argent de notre poche.
Quel type de dons sont proposés en échange des œuvres ?
Il y a tout et n’importe quoi. Il peut s’agir d’un abonnement à une revue. Un artiste belge avait présenté une œuvre composée de lèvres qu’il avait “photoshopées”. On lui a fait plusieurs propositions. Quelqu’un lui proposait la même couleur de rouge à lèvres, un autre de photographier ses lèvres, un post-it indiquait “Je t’embrasse chaleureusement”, un autre “Je te donne mon corps”… Il y a de nombreuses offres folles, évidemment. Emre Senan a aussi accepté de donner son œuvre à une fille qui lui a écrit très sincèrement : ”Je suis une de vos plus grandes admiratrices, cela fait des années que je vous suis, mais je suis en face de votre œuvre et je n’ai rien à vous proposer. Tout ce que je peux vous promettre, c’est que je prendrais grand soin de votre œuvre.” Dans les expos-troc, c’est souvent la sincérité qui l’emporte.
Laurène Perrussel-Morin (http://lepetitjournal.com/istanbul.html) jeudi 16 mai 2013

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