jeudi 31 janvier 2013

Ayk Sekderyan, directeur de Binay Textile à Istanbul

Binay Textile est un bureau d’achat spécialisé dans l’industrie textile travaillant avec la France. Avec son associé, Ayk Sekderyan gère cette société d’une main de fer. Un code déontologique impartial et des valeurs claires qui lui permettent sûrement de rester à flot dans un monde industriel où la Chine écrase tout concurrent. Pour lepetitjournal.com, il explique les enjeux et les difficultés de cette profession.
Interview réalisée dans le cadre d’une collaboration www.lepetitjournal.com/Istanbul - Chambre de Commerce Française en Turquie née en octobre 2009. Tous les mois, un résumé de l’actualité et un portrait d’entreprise sont publiés dans les deux supports que sont www.lepetitjournal.com et la Lettre mensuelle de la CCFT, "Les Nouvelles de la Chambre".
Lepetitjournal.com d’Istanbul : Pouvez-vous vous présenter ? Nous parler de votre parcours professionnel ?
Ayk Sekderyan (photo MD) : Je suis né en Turquie et j’ai fait mes études au lycée allemand. Je n’étais donc pas prédestiné à faire ma vie professionnelle en France. Mais après le bac, je suis allé faire mes études à Paris-Dauphine. J’ai commencé à travailler chez Joker, dans l’import-export. J’ai ensuite été embauché dans une société de vins en Bourgogne. Puis j’ai travaillé pour Devanlay (groupe Lacoste), une grande entreprise de textile, pendant près de treize ans. Pour chacun de ces emplois, j’étais directeur export. Pour Devanlay, je suis passé directeur de la division enfants. L’entreprise a ensuite racheté une autre société de vêtements enfants et je suis devenu le directeur général de la filiale pour ce secteur. Je suis revenu en Turquie pour assurer les affaires de ce groupe avec ce pays. Lorsque la société a été rachetée par un groupe suisse, ils ont dispersé les marques et je me suis dit qu’il était temps pour moi de faire autre chose. J’ai monté ma société de négoce en 2008.
En quoi consiste votre activité ? Qu’est-ce que Binay Textile ?
Nous sommes un bureau d'achat. Nous sommes deux associés et nous avons deux employés qui s’occupent des contrôles de qualité avec nous. Nous achetons du textile pour des marques françaises comme Petit Bateau. Concrètement, la marque s’adresse à nous et nous fournit un croquis du produit dont elle a besoin. S’il est possible de le produire en Turquie, on choisit les fabricants. Le fabricant crée un prototype que nous envoyons à nos clients. S’ils sont satisfaits, ils nous passent leurs commandes et nous passons une commande globale au fabricant. Nous sommes payés par nos clients français, nous touchons une commission. Nous ne nous payons pas sur les fournisseurs en Turquie.
Existe-t-il beaucoup de bureaux d’achat en Turquie ? Comment vous différenciez-vous ?
Il y a pas mal de bureaux d’achat à Istanbul. Nous, nous sommes spécialisés dans le linge de maison et d’intérieur (peignoirs, serviettes, etc.) Et, à la différence des autres, nous achetons exactement ce que les clients veulent. D’autres bureaux d’étude préparent des collections et les présentent aux acheteurs potentiels. Nous travaillons seulement avec des gens qui ont des contraintes de qualité énormes. En moyenne, près de 70 tests et analyses sont menés sur nos produits. Il y avait plus de bureaux d’achat avant, mais avec la concurrence de la Chine, beaucoup ont dû fermer. Les Etats-Unis représentaient un énorme marché et ils se sont tournés exclusivement vers la Chine. La France s’est longtemps tournée vers les pays du Maghreb. C’est l’un des derniers pays à partir vers la Chine.
Justement, souffrez-vous de la concurrence avec la Chine ?
Oui, nous en souffrons. Les Chinois commencent à produire ce genre de produits de qualité et certains de nos clients se sont complètement tournés vers la Chine aujourd’hui. Contrairement aux idées reçues, elle peut produire la même qualité, tout dépend de la structure de contrôle que vous mettez en place. La différence de prix entre la Chine et la Turquie est de 30%. La seule chose qui peut éviter la fuite de tous les clients vers ce pays aujourd’hui, c’est la distance. Les produits sont acheminés par bateau et cela prend du temps. S’ils sont envoyés par avion, la différence de prix ne vaut plus le coup. Donc les marques sont obligées de commander leurs produits au moins six mois à l’avance. Elles font une prévision de vente. Mais les prévisions ne sont pas toujours exactes et si les produits ne sont pas écoulés, cela fait du stock. Le stock est ce qui tue une entreprise. En Turquie, vous pouvez commander trois mois en avance, c’est largement suffisant. Et cela réduit les stocks.
Quelles sont vos perspectives d’avenir face à cette concurrence ?
Cette migration finira par s’arrêter. Les Chinois montent petit à petit le prix de leur main d’œuvre. Mais si ça n’est pas la Chine, ce sera un autre pays. La Chine, c’est douloureux parce qu’ils font travailler des enfants, et que les conditions de travail y sont déplorables. En Turquie, on respecte davantage les droits de l’Homme. Moi-même, je refuse de travailler avec des entreprises qui exploitent leurs employés. Nous signons avec nos clients un contrat par lequel on s’engage à ne pas faire affaire avec des fabricants qui embauchent des enfants de moins de quinze ans ou qui ne respectent pas la législation. Mais pour ce qui est de mon avenir, j’espère m’arrêter dans quelques années. J’aimerais aller finir mes jours dans le sud de la France. J’aime la Turquie et j’y ai tous mes amis mais je suis un homme du monde. J’ai passé beaucoup plus de temps en France qu’en Turquie.
Propos recueillis par Lola Monset (http://www.lepetitjournal.com/istanbul) jeudi 31 janvier 2013
BINAY LTD STI
Haziran Sok. 7/2
Tarabya
34457 ISTANBUL

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