vendredi 21 septembre 2012

Un Juif israélien chez les derviches tourneurs


Par Redaction | ZAMAN FRANCE ven, 21/09/2012 - 10:02


A 58 ans, Miki Cohen est le premier Juif israélien à accéder à la confrérie soufi de l’Ordre Mevlevi, fondé en Turquie. Après avoir fait la rencontre d’un derviche tourneur en Anatolie, il décide de changer de vie et se consacre pleinement à l’apprentissage du samâ'.

Tandis que le soleil décline sur son campement accroché à une colline de Galilée, Miki Cohen prend place sous une tonnelle en fer forgé et commence lentement, très lentement, la rotation d’un derviche tourneur. Les bras croisés sur la poitrine, à l’écoute d’une musique soufie diffusée par son téléphone portable, il lève les bras au-dessus de ses épaules, tournoyant, les yeux clos, en pleine extase mystique. La danse méditative soufie est la réponse de Miki Cohen, 58 ans, à de longues années de questionnement spirituel. Il est le premier Juif israélien à avoir accédé au rituel sacré des musulmans soufis de l’Ordre Mevlevi, fondé en Turquie au XIIIe siècle, plus connu sous le nom d’Ordre des «derviches tourneurs». Issu de la petite bourgeoisie de Tel-Aviv, Miki Cohen est resté traumatisé par la guerre israélo-arabe du Kippour (1973). Il se lance alors dans une quête éperdue de paix intérieure, flirtant avec la spiritualité juive, avant de vivre deux ans à Tel-Aviv puis d’étudier le taoïsme chinois et le kung-fu aux Etats-Unis pendant trois ans, tout en engrangeant des diplômes de psychologie et de philosophie.

Un voyage en Turquie qui va changer sa vie
La normalité garde pourtant ses droits : marié et père de deux enfants, il fait vivre sa famille en enseignant l’écriture de scénarios. Mais, au hasard de son cheminement spirituel, il découvre les écrits mystiques de Jalâl al-Dîn Rûmî, poète soufi du XIIIe siècle originaire de Perse, dont les adeptes fondèrent, après sa mort, la confrérie des derviches tourneurs, appelés ainsi pour leur danse giratoire proche de la transe. «Plus je lisais Rûmî, plus je découvrais le soufisme, quand la raison s’arrête pour laisser parler le coeur. Il est alors devenu évident que c’était ma voie», explique Miki Cohen, tout de noir vêtu, ses longs cheveux noués en queue de cheval. Tout derviche aspire à l’ascèse des grands mystiques musulmans soufis. De plus en plus fasciné par les enseignements de Rûmî, Miki se marginalise : il se sépare de sa femme, s’installe dans une caravane et voyage à travers Israël. En 2005, il va se recueillir sur la tombe du poète persan à Konya, haut lieu religieux de l’Anatolie. Dans un bus, il fait la rencontre d’un derviche tourneur. Ce dernier l’invite à passer une semaine au sein de l’Ordre pour s’initier au samâ', danse et chant sacrés des soufis mevlevis. L’invitation d’un Juif israélien au sein de cette confrérie musulmane traditionaliste plutôt fermée est sans précédent. C’est grâce à sa dévotion, et en dépit de la barrière de la langue, que Miki Cohen a été admis là où beaucoup d’autres ont échoué, explique à l’AFP la cinéaste turque Yelda Yanat Kapkin, qui suit depuis des années le parcours du néophyte et lui a consacré un documentaire pour la chaîne Al-Jazeera. «Quand il a rencontré le maître de la confrérie, ce dernier a vraiment cru que Miki était un adepte», témoigne la réalisatrice.

«L’espace d’une seconde, j’éprouve un sentiment d’harmonie»
Miki Cohen vit aujourd’hui au flanc d’une colline rocailleuse plantée d’oliviers, près du village druze de Jat, en Galilée, dans le nord-ouest d’Israël. Il habite une tente ronde et spacieuse qui ressemble à une yourte mongole, dont le pilier central soutient un toit drapé de tissus de couleurs vives. Le sol est jonché de tapis et de coussins. Dans cet abri alimenté en électricité par l’énergie solaire, il y a aussi des canapés fatigués et des chaises, ainsi que deux étagères branlantes, ployant sous le poids d’un assortiment éclectique de livres. Un amoncellement de matelas fait office de lit. Un vieux placard cache l’accès secret d’une grotte que Miki a creusée et aménagée dans la montagne, et où il se réfugie quand le vent devient mauvais. Jour après jour, devant sa yourte, dans une cage ronde dallée, comme une sorte de tonnelle, le derviche israélien, solitaire et hiératique, reprend la majestueuse rotation du samâ’. «L’espace d’une seconde, j’éprouve un profond sentiment d’harmonie. C’est magique», dit-il.

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