Une récente étude publiée dans la revue américaine Science soutient que les langues indo-européennes (auxquelles le français appartient) seraient originaires de la région d’Anatolie, en Turquie. Mais cette thèse ne fait pas l’unanimité parmi les spécialistes
Crédit photo: noffrils, Flickr, CC
La famille des langues indo-européennes est large et inclut des langues aussi différentes que le français, l’hindi ou l’islandais. Parlées du Sri Lanka à l’Islande, elles ont néanmoins des points communs : le mot “mère”, par exemple, n’est pas si différent du mot “mutter”, en allemand ou du mot “móðir”, en islandais.
Partant de ces observations, les chercheurs supposent que plus d’une centaine de langues partagent le même “ancêtre”. La recherche de cet ancêtre divise depuis plusieurs années la communauté scientifique.
Deux hypothèses en concurrence
Les linguistes sont partisans de la théorie dite “des steppes”, qui soutient que l’indo-européen serait né au nord de la mer Noire, du côté de l’actuelle Ukraine, il y a près de 6.000 ans. Sa diffusion à travers l’Europe et le Proche-Orient serait due aux Kourganes, un peuple de cavaliers semi-nomades.
L’hypothèse “anatolienne” est défendue par l’équipe de Quentin Atkinson, biologiste néozélandais de l’université d’Auckland. Cette théorie affirme que les langues indo-européennes auraient pris naissance en Anatolie chez un peuple d’agriculteurs, qui aurait diffusé sa langue en migrant il y a près de 9.000 ans. En 2003, Quentin Atkinson et Russel Gray publient une étude dans la revue scientifique Nature qui illustre cette théorie et bouleverse la vision linguistique. Ils réitèrent aujourd’hui en publiant une nouvelle étude dans la revue Science, datant et localisant plus précisément l’origine des langues indo-européennes à l’aide des méthodes des biologistes.
Une méthode utilisée pour étudier l’évolution des virus
Partant du principe que les mots et les langues mutent comme des virus, les biologistes ont utilisé une technique qui sert à remonter la piste d’un virus à partir des mutations de son matériel génétique. Ils ont ainsi appliqué à la linguistique leur méthode de classification génétique permettant de positionner sur un arbre les génomes selon leur degré de proximité et de divergence.
Ils ont étudié 203 mots du langage courant dans 103 langues différentes, anciennes et contemporaines. Ces mots ont été choisis avec soin, en s’assurant qu’il s’agissait bien de mots ayant évolué au cours d’un processus de diversification et non pas de mots qui avaient pu être empruntés ou adoptés d’une langue à l’autre. Ces mots ont ensuite été utilisés pour réaliser un arbre généalogique des langues.
L’analyse des résultats conclut que les langues indo-européennes seraient nées il y a près de 9.000 ans, et non pas il y a 6.000 ans. Toujours selon cette étude, la probabilité du berceau anatolien est cent fois plus grande que celle du berceau steppique, et la diffusion de ces langues irait de paire avec celle des techniques agricoles plutôt qu’avec celle d’une conquête guerrière.
Une théorie qui ne fait toujours pas l’unanimité
Les linguistes ne sont pas convaincus par cette étude. Le New York Times rapporte les propos d’un archéologue, David Anthony, qui précise qu’Atkinson n’est pas un linguiste et que les évolutions sonores et grammaticales n’ont pas été prises en compte dans l’étude du biologiste, ce qui fausse la nature des résultats.
Quentin Atkinson rétorque qu’il s’est basé sur un arbre incluant les modifications grammaticales construit par Don Ringe, expert de l’indo-européen à l’université de Pennsylvanie.
Amandine Canistro (www.lepetitjournal.com/istanbul) mardi 11 septembre 2012
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