Le photojournaliste turc Ara Güler inaugurait hier au Palais de France sa Fondation pour l’éducation à la photographie et l’art. Une démarche qu’il juge nécessaire pour préserver le travail d’une vie
Quoi de plus important, pour un photographe, que ses archives ?
Que resterait-il d’Ara Güler dans 20 ou 50 ans si ses clichés se perdaient ou – pire peut-être – s’ils étaient vendus au plus offrant ? L’Istanbul en noir et blanc des photos d’Ara Güler n’existe plus depuis longtemps. Picasso, Dali, Churchill et bien d’autres grands de ce monde dont il a tiré le portrait ont disparu avec le XXème siècle. Ara Güler pense à “l’après”. Au jour où ses images se retrouveront sans père.
Ara Güler et la journaliste Banu Güven (photo AA)
“Je n’avais pas d’autre solution. Tout ce qui n’est pas préservé disparaît”, observe-t-il. D’où la naissance de cette fondation, l’Ara Güler Fotoğrafçılık Eğitim ve Sanat Vakfı, inaugurée hier soir au Palais de France en présence de l’ambassadeur, Laurent Bili, et du sous-secrétaire d’État à la Culture et au Tourisme, Özgür Özaslan.
La tâche est à l’image de l’œuvre : immense. Digitaliser des millions de clichés, protéger les films originaux, préserver 65 ans de reportages aux quatre coins du monde, préserver aussi les tableaux offerts par ses amis peintres, encourager la recherche ou encore ouvrir un musée, bientôt.
“Personne n’a le droit de détruire ce travail”
L’ambassadeur de France, Laurent Bili, a salué la vocation éducative de la fondation, “grande et belle contribution à l’avenir de la photographie en Turquie.” Il a assuré Ara Güler du soutien de l’Institut français, “demain comme hier”, dans toutes ses initiatives.
“J’ai voyagé partout, en Inde, en Birmanie, jusqu’en Indonésie”, rappelle le photojournaliste, qu’on résume trop souvent aux images de sa ville natale. “J’ai travaillé pour les plus grands journaux… Ni moi ni personne d’autre n’a le droit de détruire ce travail”, martèle-t-il.
Ara Güler avec l'écrivain Yasar Kemal (au centre), Laurent Bili et Özgür Özaslan (photo AA)
Ara Güler, fidèle à son humour, a ponctué son discours de nombreuses anecdotes. Où l’on apprend qu’en 1958, après s’être perdu sur la route d’un reportage et avoir copieusement sermonné son chauffeur, le journaliste a découvert – littéralement – le site d’Aphrodisias au milieu d’un champ de blé. L'antique cité était en ruines, oubliée, à l'abandon. Trois ans plus tard, elle sort enfin de son sommeil à la faveur des fouilles de l’archéologue Kenan Erim. “Ce qui n’est pas préservé disparaît”? Avec sa fondation, Ara Güler garantit la survie de ses photographies et la transmission d'un patrimoine.
Anne Andlauer (www.lepetitjournal.com/istanbul) jeudi 13 septembre 2012
A noter : La fondation sera présidée par Ara Güler lui-même. Retrouvez bientôt les détails sur aragulervakfi.org
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