vendredi 3 août 2012

Le sens du jeûne dans les trois monothéismes





Ce vendredi 3 août, la lune aura parcouru la moitié de sa course, et les musulmans de par le monde, effectué la moitié de leur jeûne obligatoire du ramadan. Le jeûne, ou plus généralement l’abstinence, se rencontre dans un grand nombre de traditions religieuses. Celles qui existent en islam, et dont le ramadan est la forme exemplaire, s’inscrivent naturellement dans une tradition abrahamique, tradition dont l’islam est l’héritier, et dont il constitue le parachèvement. Cette filiation s’observe dans le terme même de sawm, qui, avant l’avènement de l’islam, signifiait «fait d’être au repos ». C’est dans le Coran que ce sens religieux de «jeûne / abstinence», jusqu’alors inconnu de l’arabe, apparaît pour la première fois. Ce sens n’était néanmoins pas inconnu du judéo-araméen et du syriaque, deux langues proches de l’arabe, et qui étaient employées dans les liturgies juives et chrétiennes. Le vœu de silence que fait Marie dans la sourate qui porte son nom (XIX : 27), vœu désigné par le mot sawm, correspondait de fait à une pratique ascétique chrétienne. Enfin, le jeûne de l’Achoura, et celui du ramadan, qui a abrogé le caractère obligatoire du premier (II : 179-181), ne sont pas, en la matière, sans rapport avec la tradition juive. Ainsi le chiffre 10, qui est lié au nom même de l’Achoura (‘ashara, «dix»), comme à sa position dans le cycle : le 10 du mois islamique de muharram est en effet le deuxième et dernier jour de ce jeûne de pénitence. Le parallèle avec les dix jours de pénitence qui, chez les juifs, précèdent Yom Kippour (le Jour du Grand Pardon) semble justifié. D’autant plus que les «jours comptés» pendant lesquels « vous a été prescrit le jeûne comme il l’a été à ceux qui vous ont précédés» (Coran : II, 180-184) pourraient, selon certains commentateurs, être au nombre de 10, et comme le sont, assurément, les jours de retraite spirituelle qui marquent le dernier tiers du ramadan.
Pénitence et abstinence dans l’Ancien Testament
On pourrait multiplier les rapprochements, mais sans doute, au-delà des similitudes formelles, le plus important est-il le sens donné au jeûne. D’emblée, dans le judaïsme, il est associé à la pénitence : on «sanctifie un jeûne» en signe de deuil, comme le firent le prophète Joël, face à la stérilité de la terre (I, 14), ou le roi David pour la mort d’Abner (2 Samuel : XII, 16). On jeûne également pour se préparer à un acte important : Esther (IV, 16) jeûna trois jours avant de se présenter devant le roi Assuérus et d’intercéder pour les juifs. Plus généralement, on jeûne dans l’espoir d’apaiser la colère divine : le jeûne public ordonné par le roi sauva Ninive d’une destruction certaine (Jonas : III, 7). Enfin, le jeûne est symbole d’une autre vie, d’une vie toute spirituelle, comme celui de Moïse sur le mont Sinaï, qui dura quarante jours et quarante nuits, durant lesquels il reçut les dix Commandements (Exode : XXXIV, 28). Le christianisme primitif perpétuera les usages judaïques, en y associant les mêmes valeurs, et peu ou prou les mêmes actes : abstinence jusqu’au coucher du soleil, pénitence, retraite, prière, mais aussi sollicitude pour les nécessiteux, actes et valeurs que l’on retrouvera dans la pratique islamique du jeûne. Plus tard, l’Eglise fera du jeûne une obligation canonique et en fixera le calendrier : le mercredi, le vendredi et le samedi, au commencement de chaque saison (Quatre-Temps), la veille de certaines fêtes (Vigiles), et enfin en Carême. Si sa discipline austère s’est maintenue chez les chrétiens d’Orient, depuis les Croisades et les guerres de religion, le jeûne n’a cessé de perdre de sa rigueur en Occident. Réduit à de faciles prescriptions, peu pratiqué, son esprit abrahamique demeure néanmoins entier.

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