vendredi 16 mars 2012

NOWRUZ: une fête paîenne en terre d'Islam


Ce 22 mars sera célébrée comme chaque année la fête de Nowruz. De l’Albanie au Turkestan chinois, c’est l’ensemble du monde turco-persan — qui englobe en outre le Kosovo, la Turquie, l’Irak (Kurdistan), l’Azerbaïdjan, l’Iran, l’Afghanistan, le Turkménistan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Kazakhstan et le Kirghizistan —, soit une aire d’islam immense, qui célébrera une fête d’origine païenne. Nowruz (Nevruz en turc, Newroz en kurde) marque l’équinoxe vernal, c’est-à-dire le premier jour du printemps, celui qui inaugure le renouveau de la nature, et, partant, dans beaucoup de cultures dont le calendrier est solaire, le premier jour de l’année. C’est du reste le sens à la fois étymologique et symbolique de nowruz, littéralement «nouveau jour» en persan. Le mot, comme la réalité qu’il désigne, est lié au zoroastrisme, une religion monothéiste non abrahamique, fondée au cours du Ier millénaire avant J.‑C. dans l’actuel Kurdistan iranien. Devenue religion officielle des Iraniens sous la dynastie sassanide (224-651), le zoroastrisme cédera la place à l’islam à partir du VIIe siècle. Néanmoins, nombre de ses aspects réussiront à se fondre dans le patrimoine culturel iranien, le plus saillant étant la célébration de Nowruz qui, dans l’actuelle République islamique d’Iran, donne lieu à 13 jours de vacances scolaires. La persistance de ce substrat païen dans une des cultures majeures d’islam, d’une part, et le rayonnement considérable de la culture perse des siècles durant, d’autre part, expliquent en grande partie la diffusion et le caractère vivace de cette fête zoroastrienne en terre d’islam. Il s’agit donc, hors des frontières de la Perse historique, d’un fait d’acculturation qui, paradoxalement, est consécutif à l’islamisation. L’autre facteur à prendre en ligne de compte, plus prosaïque, mais non moins réel, est l’inadaptation du calendrier hégirien aux besoins de la vie pratique, longtemps soumise au cycle des saisons. Lunaire, le calendrier musulman n’épouse pas leur rythme, qui est déterminé par la position du soleil par rapport à la terre. A l’autre extrémité de l’aire arabo-musulmane, les paysans maghrébins ont d’ailleurs longtemps conservé le calendrier julien, hérité de leur latinité passée, et dont les mois s’égrenaient dans un latin arabisé (yannâr, furâr, mârs, abrîl, etc.).

Une fête populaire en Iran

Néanmoins, le nouveau pouvoir islamique n’aura pas eu, au Maghreb, à devoir composer avec une fête païenne ancrée dans les traditions, et célébrée en grandes pompes par la population indigène, et ce, au cœur même de l’Empire. L’historien arabe al-Ya‘qûbî (m. 897) rapporte que c’est un jour de Nowruz que Ctésiphon, la capitale de la dynastie perse des Sassanides (actuellement en Irak), est prise par les armées musulmanes sous la conduite de Sa‘d Ibn Abî Waqqâs. Sous le règne des quatre premiers califes, les gouverneurs qui se succéderont dans la région autoriseront les festivités liées à Nowruz, tout en prélevant des taxes spécifiques. Sous les Omeyyades, puis sous les Abbassides, ces taxations seront maintenues, néanmoins la fête de Nowruz comme celle, zoroastrienne également, de Mehrajân, seront célébrées avec toute la pompe officielle, d’après le témoignage de l’historien al-Mas‘ûdî (m. 956). Après la chute du califat et la réémergence de dynasties perses — Samanides et Bouyides, notamment —, Nowrûz sera élevée à un niveau plus important encore. D’anciennes traditions, qui avaient été abolies par le califat, seront même restaurées par la dynastie bouyide. Elles seront conservées par les conquérants ottomans et mongols.

SOURCE: www.zamanfrance.fr

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