Des archéologues dénoncent l’installation d’une vingtaine d’éoliennes à proximité et sur le site du monastère de Saint-Siméon-le-Jeune, au sud de la Turquie, non loin de la ville d’Antakya. Le site est resté pendant longtemps un lieu de pèlerinage majeur pour la chrétienté
Le monastère est situé dans le district de Samandağ (“Montagne de Siméon”), autrefois baptisé “Mont Admirable” en référence aux miracles prêtés à Saint-Siméon-le-Jeune. Il domine du haut d’une colline l’embouchure du fleuve Oronte.
(photo Nezih Başgelen).
(photo Nezih Başgelen).
Saint-Siméon-le-Jeune est né à Antioche (Antakya) vers 521 et très tôt, il commence une vie de stylite. Le terme désigne ceux qui, parmi les chrétiens des premiers siècles, ont choisi de vivre sur une colonne ou dans un autre endroit perché afin d’être plus proches de Dieu.
L’initiateur de cette pratique, Saint-Siméon-l’Ancien (390-459), a vécu plusieurs années sur une colonne près d’Alep, en Syrie.
En 551, Saint-Siméon-le-Jeune s’établit donc sur une colonne située au centre du monastère qu’il a fait construire dans la montagne. Les pèlerins sont nombreux à lui rendre visite, jusqu’à sa mort en 592. “Il attirait des sujets de pays lointains, d’Arménie et de Géorgie en particulier”, écrit le professeur Jean Mécérian, chargé de fouilles entre 1932 et 1939. “Encore en pleine activité religieuse et littéraire vers la fin du 13ème siècle”, ajoute-t-il, le site est ensuite tombé dans l’oubli.
“La Turquie se tire une balle dans le pied”
L’ensemble monastique est composé d’une cour octogonale centrée sur la colonne du stylite, de trois églises et de divers bâtiments destinés aux moines et aux pèlerins. La base de la colonne trône toujours au milieu du site mais l’ensemble nous est parvenu à l’état de ruine. Cela n’empêche pas l’ancien monastère, unique en son genre en Turquie, de conserver une importance majeure.
“Ces dernières années, 23 éoliennes ont pourtant été installées au sommet de la colline, l’une des turbines ayant même été érigée à l’intérieur du complexe monastique”, se désole Nezih Başgelen, directeur des publications Arkeoloji ve Sanat (Archéologie et art).
Une éolienne sur le site archéologique (photo Nezih Başgelen)
“Dans une région qui ne manque pas de collines, il s’agit d’un excellent exemple de la Turquie se tirant une balle dans le pied, le pied en question étant un site historique qui devrait être considéré comme appartenant au patrimoine mondial”, dénonce encore l’archéologue.
Le projet a été approuvé par la direction de l’Environnement et des Forêts de la province de Hatay en 2005, “en contradiction totale avec la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique dont la Turquie est signataire”, insiste Nezih Başgelen, qui affirme par ailleurs encourager le développement d’énergies non polluantes dans son pays.
Samandağ n'est malheureusement qu'un exemple parmi d'autres. “Malgré son riche héritage archéologique, culturel et naturel (…)”, constate ce spécialiste, “la Turquie ne dispose toujours pas d’une base de données officielle et systématique recensant cet héritage. Cette situation livre des sites de valeur à ce genre de destruction.”
Anne Andlauer (www.lepetitjournal.com/istanbul) jeudi 4 octobre 2012
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