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jeudi 4 avril 2013

le choeur des civilisations d'Antioche: une magnifique initiative


CHŒUR DES CIVILISATIONS D’ANTIOCHE – Harmonie interconfessionnelle

Des prêtres, des imams, des rabbins, des retraités, des étudiants… qui interprètent ensemble un répertoire multiculturel en hébreu, italien, arabe, latin ou arménien : c’est le pari réussi du Chœur des civilisations d’Antakya, ou Antioche, grande ville de Turquie à la frontière syrienne. Les artistes sont en tournée et passent par Istanbul samedi.
Certains ferment les yeux, les mains croisées ou le long de leur toge blanche. Certains ont à peine 20 ans quand d’autres pourraient bien être leurs grands-parents. Ils se sourient, sourient à la salle. Leur plaisir d’être là est communicatif.
Ces 120 chanteurs, tous amateurs, sont nés à Antakya, sur les rives de l’Oronte, à quelques kilomètres de la frontière syrienne. Ibrahim Cemal, 67 ans, juif, est l’un des doyens du chœur, qu’il a rejoint le premier jour. “Tous mes amis m’ont d’abord demandé comment je pouvais chanter autre chose que des chants religieux juifs, et si c’était permis. Mais dans toutes ces chansons, nous chantons le même Dieu, avec autant de cœur, et cela ne me pose aucun problème”, assure-t-il.
Le logo du choeur des civilisations d'Antioche
Au tout début, en 2007, ils étaient 75 : 15 juifs, 15 musulmans sunnites, 15 alévis, 15 chrétiens orthodoxes et 15 catholiques. Chaque groupe chantait ses chants et les autres écoutaient. Jusqu’à ce qu’ils réalisent, très vite, qu’ils pouvaient chanter côte à côte, tous ensemble, en dépit des préjugés, en défi aux préjugés. “Il y a des gens très pieux qui considèrent que je ne devrais pas chanter entre un prêtre et un rabbin, et qui ne veulent pas voir ça. Mais notre communion suffit à réfuter tous leurs arguments”, renchérit Ahmet Gürbüz, un imam de 59 ans.
“Nous ne tomberons pas dans le piège”
Préjugés mis à part, l’existence même de ce chœur multiconfessionnel, unique en Turquie, intrigue. “L’imam Ahmet Gürbüz, par exemple, est mon voisin de palier. Cela n’a jamais posé de problème et franchement, à Antakya, ce n’est pas quelque chose auquel on pense”, s’étonne Renita Horoz, une jeune Arménienne orthodoxe. “Mais c’est vrai que je ne porte jamais ma croix aussi tranquillement qu’à Antakya. Ailleurs, cela peut créer des ennuis alors qu’à Antakya, tout le monde sait que je suis arménienne et je n’ai jamais eu de soucis à cause de ça”, ajoute la jeune femme.
Yılmaz Özfırat, le chef de chœur, n’est pas originaire d’Antakya. Il y vit depuis son mariage, admire sa diversité ethnico-religieuse – certes bien fade en comparaison de ce qu’elle fut jadis – et médit de tous ceux qui tentent de monter les communautés les unes contre les autres, en Turquie et en Syrie.
“Depuis l’époque ottomane, nos racines sont les mêmes, nous sommes les enfants d’une même culture”, affirme-t-il. “Certains essayent d’attiser les tensions interconfessionnelles en Syrie, et d’autres espèrent réussir la même chose à Antakya. Mais ils n’y arriveront pas, nous ne tomberons pas dans ce piège.”
Choeur des civilisations d'Antioche by Anne Andlauer
Un concert à Gaza, à Alep ?
Ces six dernières années, la chorale a donné plus de 200 concerts en Turquie. Elle s’est déplacée en Europe, a chanté à Paris, Berlin ou Athènes, au Parlement européen, au siège des Nations Unies et plus récemment, en novembre, devant le Congrès américain. Yılmaz Özfırat a d’autres plans en tête, encore plus ambitieux : “Nous voulons donner un concert à Gaza, devant des Israéliens et des Palestiniens. Ce serait une façon de dire ‘Regardez, si nous y arrivons, vous pouvez y arriver aussi.’ C’est simple: nous voulons chanter dans tous les coins du monde où il y a des divisions.”
Lors d'un concert à Bursa (photo AA)
L’an dernier, le chœur des civilisations d’Antakya figurait sur la liste des 231 nominés pour le prix Nobel de la paix, finalement attribué à l’Union européenne. Mais la plus belle des récompenses, soupire Yılmaz Özfırat, serait de pouvoir chanter pour leurs voisins syriens, à Damas, Homs ou Alep. Et ce, le plus tôt possible.
Anne Andlauer (http://www.lepetitjournal.com/istanbul) jeudi 4 avril 2013
En savoir plus sur le site internet du chœur
Concert le 6 avril à 20h à l’église Sainte-Irène (enceinte du Palais de Topkapı). Invitations à retirer au stand de la préfecture de Hatay à Feshane.

vendredi 5 octobre 2012

MONASTÈRE DE SAINT-SIMÉON – Des éoliennes au milieu d’un site de pèlerinage chrétien


Des archéologues dénoncent l’installation d’une vingtaine d’éoliennes à proximité et sur le site du monastère de Saint-Siméon-le-Jeune, au sud de la Turquie, non loin de la ville d’Antakya. Le site est resté pendant longtemps un lieu de pèlerinage majeur pour la chrétienté

Le monastère est situé dans le district de Samandağ (“Montagne de Siméon”), autrefois baptisé “Mont Admirable” en référence aux miracles prêtés à Saint-Siméon-le-Jeune. Il domine du haut d’une colline l’embouchure du fleuve Oronte.

(photo Nezih Başgelen).
Saint-Siméon-le-Jeune est né à Antioche (Antakya) vers 521 et très tôt, il commence une vie de stylite. Le terme désigne ceux qui, parmi les chrétiens des premiers siècles, ont choisi de vivre sur une colonne ou dans un autre endroit perché afin d’être plus proches de Dieu. 
L’initiateur de cette pratique, Saint-Siméon-l’Ancien (390-459), a vécu plusieurs années sur une colonne près d’Alep, en Syrie.
En 551, Saint-Siméon-le-Jeune s’établit donc sur une colonne située au centre du monastère qu’il a fait construire dans la montagne. Les pèlerins sont nombreux à lui rendre visite, jusqu’à sa mort en 592. “Il attirait des sujets de pays lointains, d’Arménie et de Géorgie en particulier”, écrit le professeur Jean Mécérian, chargé de fouilles entre 1932 et 1939. “Encore en pleine activité religieuse et littéraire vers la fin du 13ème siècle”, ajoute-t-il, le site est ensuite tombé dans l’oubli.
“La Turquie se tire une balle dans le pied”
L’ensemble monastique est composé d’une cour octogonale centrée sur la colonne du stylite, de trois églises et de divers bâtiments destinés aux moines et aux pèlerins. La base de la colonne trône toujours au milieu du site mais l’ensemble nous est parvenu à l’état de ruine. Cela n’empêche pas l’ancien monastère, unique en son genre en Turquie, de conserver une importance majeure.
“Ces dernières années, 23 éoliennes ont pourtant été installées au sommet de la colline, l’une des turbines ayant même été érigée à l’intérieur du complexe monastique”, se désole Nezih Başgelen, directeur des publications Arkeoloji ve Sanat (Archéologie et art).
Une éolienne sur le site archéologique (photo Nezih Başgelen)
“Dans une région qui ne manque pas de collines, il s’agit d’un excellent exemple de la Turquie se tirant une balle dans le pied, le pied en question étant un site historique qui devrait être considéré comme appartenant au patrimoine mondial”, dénonce encore l’archéologue.
Le projet a été approuvé par la direction de l’Environnement et des Forêts de la province de Hatay en 2005, “en contradiction totale avec la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique dont la Turquie est signataire”, insiste Nezih Başgelen, qui affirme par ailleurs encourager le développement d’énergies non polluantes dans son pays.
Samandağ n'est malheureusement qu'un exemple parmi d'autres. “Malgré son riche héritage archéologique, culturel et naturel (…)”, constate ce spécialiste, “la Turquie ne dispose toujours pas d’une base de données officielle et systématique recensant cet héritage. Cette situation livre des sites de valeur à ce genre de destruction.”
Anne Andlauer (www.lepetitjournal.com/istanbul) jeudi 4 octobre 2012