mercredi 3 octobre 2012

Article et pétition contre la disparition du site de HASAKEYF


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Hasankeyf, au sud-est de la Turquie, est une ville en sursis. Située dans la province de Batman, elle est l'une des cités concernées par le Projet de développement de l'Anatolie du sud (Güney Anadolu Projesi ou GAP), qui ambitionne notamment de construire 22 barrages dans la région afin de capter l'eau du Tigre et de l'Euphrate

Hasankeyf, menacée par les eaux (photo Senol Demir, Flickr/CC)
L'un d'entre eux, le barrage de Ilisu, situé à 80 kilomètres d'Hasankeyf, doit être achevé d'ici à 2013. Il recouvrira la ville et les villages alentours de 40 mètres d'eau, obligeant 50.000 habitants à déménager. Datant d'au moins 12.000 ans, la cité historique en a vu d'autres : dynastie Ayyoubide, présence syriaque, byzantine, seldjoukide, ottomane, kurde... Elle ne résistera cependant pas au projet GAP, lancé vers la fin des années 70, qui engloutira ces trésors historiques sous des mètres d'eau.

Destruction historique, culturelle et environnementale
Aucun plan de sauvegarde conséquent n'est prévu pour la ville, qui compte au total près de 289 sites archéologiques et qui répond à 9 des 10 critères exigé par le Centre du Patrimoine mondial de l'UNESCO. Les habitants devront déménager vers une ville nouvelle située sur le versant opposé de la montagne d'en face. Ils percevront pour cela un prêt gouvernemental. La zone de Hasankeyf est aussi un lieu de vie pour près de 123 espèces d'oiseaux, qui verront leur habitat et leurs moyens de subsistance totalement détruits. Les tortues de l'Euphrate, espèce en voie d'extinction, sont également menacées. Une diminution de la qualité de l'eau et une augmentation des maladies transmises par l'eau seront aussi à craindre, selon les associations opposées au projet.

Un feu de critiques
La construction du barrage, qui apportera richesse et développement à la région selon le gouvernement, est rejetée par environs 68% des habitants, indiquent des sondages récents. La population de Hasankeyf estime que le développement du tourisme pourrait rapporter à terme plus d'argent que l'électricité générée par le barrage. Les critiques internationales sont aussi légions. La Suisse, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Autriche et le Danemark se sont retirés du projet entre 2006 et 2009. La Syrie et l'Irak le condamnent également, car il asséchera les rives du Tigre et de l'Euphrate en aval.
L'association Sculpteurs sans frontières a réuni en septembre dernier douze artistes de neuf pays différents à Hasankeyf afin de créer des œuvres qui seront ensuite immergées dans l'eau. Ce geste symbolique vise à protester contre la destruction imminente de ce trésor de l'humanité.
Des voix se font également entendre sur internet et particulièrement sur les réseaux sociaux. Des groupes Facebook en anglais et en turc regroupent les opposants au projet. Ils exigent la protection du site par les autorités turques, condition sine qua non pour l’inscription du site au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. Ils refusent la proposition gouvernementale de reconstruire les monuments à un autre endroit. Ces chefs-d’œuvre du passé perdraient alors, soutiennent-ils, leur pertinence géographique, environnementale et historique.
Ariane Haviland (www.lepetitjournal.com/istanbul) mercredi 3 octobre 2012
A signaler: une pétition contre le barrage a recueilli à ce jour près de 33.000 signatures

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