Par Hélène Flautre Députée européenne, présidente de la délégation parlementaire UE-Turquie et Ahmet Insel Professeur à l’université de Galatasaray
En Turquie, il est loin le temps où, rivés aux moindres bribes de rumeurs sur le rapport annuel attendu et redouté de la Commission européenne, les politiques et les commentateurs faisaient assaut de spéculations pour anticiper l’avenir ! C’était le temps où l’Union aimait contempler sa nouvelle puissance dans la vitalité de sa politique d’élargissement. Ses recommandations commandaient l’agenda des réformes, et leur mise en œuvre offrait, à qui le voulait, la preuve par neuf de l’existence de l’Europe. De fait, en Turquie, jusqu’après l’ouverture des négociations, une puissante vague démocratique légitimée et soutenue par l’Union européenne avait déferlé sur le pays, balayant la domination militaire et la culture politique des coups d’Etats !
Aujourd’hui, les penchants autoritaires ou nationalistes contrarient le cercle vertueux des réformes démocratiques. Et, sept ans après l’ouverture des négociations, le processus pour l’adhésion de la Turquie à l’Europe est au point mort.
Pourtant, au voisinage de l’Europe, dans cette zone stratégique pour la paix et la sécurité du continent, la Turquie est en première ligne de nos intérêts : de l’accueil des réfugiés syriens au soutien aux révolutions arabes, des négociations sur le nucléaire iranien à la résolution du conflit chypriote et à la mise en place d’une politique de défense européenne, sans oublier les questions kurde et arménienne. Et si la devise « Zéro problème avec les voisins » du ministre Davutoglu a pris l’eau, les pays européens comprennent qu’ils pourraient bien, eux, boire la tasse. Conscients des enjeux et du rôle éminent de la Turquie dans l’élaboration des réponses qui prendront forme sur le terrain, les dirigeants européens ne manquent pas d’égard à l’endroit du Premier ministre turc, M. Erdogan, et de son ministre des Affaires étrangères, et intensifient les conversations bilatérales sur tous les fronts.
Ainsi, c’est au moment où les enjeux stratégiques communs ne sont jamais apparus plus pressants que la perspective européenne de la Turquie s’éloigne.
Les partisans en Europe d’un partenariat « privilégié » avec la Turquie pourraient se réjouir de cette conjoncture, la trouver favorable et espérer entériner l’affaire à moindres frais politiques. Mais le pari serait hasardeux. La sécurité régionale est en jeu. Et l’assurance de relations partenariales approfondies ne saurait soulager la frustration et l’amertume d’une rupture de la promesse d’union. Les points de vue culturalistes seraient alors appelés à la rescousse pour argumenter, a posteriori, la dégradation inéluctable de la situation et des relations. Le statu quo n’est pas une option.
In fine ce sont les valeurs européennes qui seraient affaiblies, tant à l’intérieur par renoncement à reformuler l’union dans la diversité, qu’à l’extérieur, où la Turquie serait encouragée à s’en différencier. Si l’Europe devait échouer avec un pays candidat depuis plus de quarante ans, un de ses fidèles alliés stratégiques depuis soixante ans, les conséquences en seraient immédiates sur l’état des relations avec les pays voisins méditerranéens.
Au contraire, la relance de la dynamique intégratrice offrirait à l’Europe, et à ses Etats, une opportunité sans égal d’approfondir sa présence dans la région, d’optimiser son action en faveur de la paix et de la démocratie, de peser sur les réformes démocratiques en Turquie. A elle seule la France peut contribuer de façon décisive à lancer cet élan démocratique.
La France dispose de quatre veto sur quatre chapitres de négociation, veto qu’elle a posés unilatéralement pour s’opposer à l’adhésion, obstruant un processus pourtant décidé au Conseil à l’unanimité. Ces veto sont improductifs. En effet, il n’y a aucune condition que la Turquie puisse remplir pour obtenir leur levée ! Contrairement aux huit chapitres bloqués par le Conseil en vue d’obtenir l’ouverture des ports et aéroports turcs aux transporteurs chypriotes.
Ainsi, la France peut agir seule, rapidement, avec effet immédiat, pour réactiver une relation loyale et fiable avec la Turquie, retrouver un puissant levier de démocratisation, gagner du leadership et de l’influence en Turquie, en Méditerranée, y compris en Europe. Y a-t-il une seule bonne raison de nous en priver ?
En Turquie, il est loin le temps où, rivés aux moindres bribes de rumeurs sur le rapport annuel attendu et redouté de la Commission européenne, les politiques et les commentateurs faisaient assaut de spéculations pour anticiper l’avenir ! C’était le temps où l’Union aimait contempler sa nouvelle puissance dans la vitalité de sa politique d’élargissement. Ses recommandations commandaient l’agenda des réformes, et leur mise en œuvre offrait, à qui le voulait, la preuve par neuf de l’existence de l’Europe. De fait, en Turquie, jusqu’après l’ouverture des négociations, une puissante vague démocratique légitimée et soutenue par l’Union européenne avait déferlé sur le pays, balayant la domination militaire et la culture politique des coups d’Etats !
Aujourd’hui, les penchants autoritaires ou nationalistes contrarient le cercle vertueux des réformes démocratiques. Et, sept ans après l’ouverture des négociations, le processus pour l’adhésion de la Turquie à l’Europe est au point mort.
Pourtant, au voisinage de l’Europe, dans cette zone stratégique pour la paix et la sécurité du continent, la Turquie est en première ligne de nos intérêts : de l’accueil des réfugiés syriens au soutien aux révolutions arabes, des négociations sur le nucléaire iranien à la résolution du conflit chypriote et à la mise en place d’une politique de défense européenne, sans oublier les questions kurde et arménienne. Et si la devise « Zéro problème avec les voisins » du ministre Davutoglu a pris l’eau, les pays européens comprennent qu’ils pourraient bien, eux, boire la tasse. Conscients des enjeux et du rôle éminent de la Turquie dans l’élaboration des réponses qui prendront forme sur le terrain, les dirigeants européens ne manquent pas d’égard à l’endroit du Premier ministre turc, M. Erdogan, et de son ministre des Affaires étrangères, et intensifient les conversations bilatérales sur tous les fronts.
Ainsi, c’est au moment où les enjeux stratégiques communs ne sont jamais apparus plus pressants que la perspective européenne de la Turquie s’éloigne.
Les partisans en Europe d’un partenariat « privilégié » avec la Turquie pourraient se réjouir de cette conjoncture, la trouver favorable et espérer entériner l’affaire à moindres frais politiques. Mais le pari serait hasardeux. La sécurité régionale est en jeu. Et l’assurance de relations partenariales approfondies ne saurait soulager la frustration et l’amertume d’une rupture de la promesse d’union. Les points de vue culturalistes seraient alors appelés à la rescousse pour argumenter, a posteriori, la dégradation inéluctable de la situation et des relations. Le statu quo n’est pas une option.
In fine ce sont les valeurs européennes qui seraient affaiblies, tant à l’intérieur par renoncement à reformuler l’union dans la diversité, qu’à l’extérieur, où la Turquie serait encouragée à s’en différencier. Si l’Europe devait échouer avec un pays candidat depuis plus de quarante ans, un de ses fidèles alliés stratégiques depuis soixante ans, les conséquences en seraient immédiates sur l’état des relations avec les pays voisins méditerranéens.
Au contraire, la relance de la dynamique intégratrice offrirait à l’Europe, et à ses Etats, une opportunité sans égal d’approfondir sa présence dans la région, d’optimiser son action en faveur de la paix et de la démocratie, de peser sur les réformes démocratiques en Turquie. A elle seule la France peut contribuer de façon décisive à lancer cet élan démocratique.
La France dispose de quatre veto sur quatre chapitres de négociation, veto qu’elle a posés unilatéralement pour s’opposer à l’adhésion, obstruant un processus pourtant décidé au Conseil à l’unanimité. Ces veto sont improductifs. En effet, il n’y a aucune condition que la Turquie puisse remplir pour obtenir leur levée ! Contrairement aux huit chapitres bloqués par le Conseil en vue d’obtenir l’ouverture des ports et aéroports turcs aux transporteurs chypriotes.
Ainsi, la France peut agir seule, rapidement, avec effet immédiat, pour réactiver une relation loyale et fiable avec la Turquie, retrouver un puissant levier de démocratisation, gagner du leadership et de l’influence en Turquie, en Méditerranée, y compris en Europe. Y a-t-il une seule bonne raison de nous en priver ?
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