mercredi 26 septembre 2012

MODE & DESIGN – Des rives du Bosphore aux berges de la Seine


Retour aux fondamentaux. Après des mois de contexte économique morose et de relations politiques tendues, des grands noms français et turcs de la mode et du design se sont retrouvés lundi à Istanbul. Quelques heures pour parler création, savoir-faire, marques et salons professionnels sous les dorures du Palais de France, témoin de cinq siècles d’amitié franco-turque

Il fallait une image forte, un lieu symbolique, un thème évident pour retisser les liens distendus entre la France et la Turquie. La mode et le design se sont imposés rapidement, observe Éric Fajole, directeur d’Ubifrance Turquie, l’un des organisateurs de la rencontre. Cette dernière coïncide avec l’Istanbul Design Week (26-30 septembre), qui met la France à l’honneur. “Beaucoup de marques françaises cherchent à entrer sur le marché turc… tandis que des marques, des boutiques, des exposants turcs peuvent investir et créer de l’emploi en France”, note encore Éric Fajole.
D’une rive à l’autre – qu’elle soit “européenne” ou “asiatique” à Istanbul, “gauche” ou “droite” à Paris – il n’y a jamais que trois heures d’avion pour accéder à un marché de centaines de millions de consommateurs européens. “La création turque est en train de prendre une place importante sur la scène internationale et la France reste un point de passage incontournable”, souligne le consul général de France à Istanbul, Hervé Magro.
De plus en plus de Turcs dans les salons parisiens
La créatrice Arzu Kaprol (photo Tanguy Quidelleur), dont la marque aura 15 ans l’an prochain, est depuis ses débuts une abonnée des vols Istanbul-Paris. “Je m’y rends non seulement pour mes clients français mais aussi parce que mes clients étrangers viennent à Paris”, explique-t-elle avant d’ajouter: “Nous avons besoin de ce genre de rencontres mais surtout, nous avons besoin d’un réchauffement des relations. Il existe encore, chez les Français comme chez les Turcs, une perception faussée et plus nous nous verrons, plus la relation se détendra et s’animera.”
Le potentiel est là et se mesure déjà. Xavier Clergerie, commissaire général de Who's Next Prêt à Porter Paris, constate que la Turquie – longtemps classée 10ème – occupe désormais le quatrième rang sur son salon en nombre de visiteurs et d’acheteurs (plus de 1.000), derrière l’Italie, le Japon et l’Espagne. “Les créateurs turcs sont aussi de plus en plus nombreux. Ils sont aujourd’hui une vingtaine sur la première et la deuxième session”, ajoute-t-il.
Un pavillon turc pendant la Paris Fashion Week ?
Et ce qui vaut pour la mode ou les accessoires vaut aussi pour le design. “Dans tous les secteurs, et pas seulement dans les tapis, la Turquie est de mieux en mieux représentée sur Maison&Objet”, confirme Étienne Cochet, directeur général de ce salon et président de Paris Capitale de la création, l’autre organisateur de la rencontre avec ARD- Paris Île-de-France. “Pourquoi ne pas créer un pavillon turc pendant la Paris Fashion Week ?” lance même, pendant l’un des panels, le directeur général du salon Tranoï, Michael Hadida.
Les créateurs et designers turcs entrent donc “dans la cour des grands”, remarque Éric Fajole, directeur d’Ubifrance Turquie. Évidemment, rien n’est simple. Paris fait toujours rêver, peut-être davantage que New York ou Milan, mais dans l’assemblée du workshop, de jeunes créateurs regrettent de ne pas toujours se sentir accueillis ou attendus.
“Je ne connais pas de belle fille qui soit facile d’accès”, justifie Étienne Cochet (photo Tanguy Quidelleur). “Beaucoup de gens souhaitent que Paris soit leur plateforme et jusqu’à présent, cette envie naissait du seul fait que c’était Paris. Maintenant, c’est l’envie de la création qui prime et cela devient plus intéressant. A nous de bien distinguer celle ou celui dont les valeurs de création sont signifiantes au niveau mondial et de lui dire : Viens à Paris ! Car avec la magie de Paris additionnée à tes valeurs de création, là, il y a quelque chose de costaud à faire !” s’enthousiasme le président de Paris Capitale de la création.
“Faire d’Istanbul une capitale mondiale de la mode”
L’enjeu pour la Turquie est bien se défaire de l’image “d’atelier de confection” des marques européennes, de prouver par sa création qu’elle possède une ADN, une identité propre. “Il faut pour cela créer des écoles qui forment les futurs talents turcs”, souligne Michael Hadida, de Tranoï. Ces institutions manquent encore, malgré l’ouverture en 2010 d’une branche stambouliote de l’école française ESMOD, dont la première promotion sortira en juin 2013.
La Turquie affiche pourtant de grandes ambitions. “D’ici 2023 (centième anniversaire de la fondation de la République de Turquie, ndlr), nous voulons faire d’Istanbul une capitale mondiale de la mode”, annonce Hikmet Tanrıverdi, président de l’Union des exportateurs de prêt-à-porter et d'habillement d’Istanbul. Objectif : 52 milliards de dollars d’exportations d’ici 11 ans (soit 20 milliards d’euros), contre 16 milliards de dollars l'an dernier.
Et les Français en Turquie ? “Si l’échange n’est pas gagnant-gagnant, on n’y arrivera pas”, assure Étienne Cochet. Volkan Atik, directeur général de la marque de mode masculine Avva, invite les créateurs français à se faire connaître lors de la semaine de la mode d’Istanbul, qui se tiendra cette année entre les 10 et 13 octobre. Ou encore à multiplier les projets en Turquie, à l’image du designer français Ora Ito, qui a conçu l’Hôtel O à Paris et confie qu’il “adorerait” réitérer l’expérience à Istanbul.
Anne Andlauer (www.lepetitjournal.com/istanbul) mercredi 26 septembre 2012

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