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vendredi 19 avril 2013

caricatures:Réactions politiques à la condamnation du pianiste Fazıl Say

Les réactions se multiplient depuis la condamnation, lundi, du pianiste Fazıl Say à 10 mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve. Tandis que plusieurs ministres semblent regretter le verdict, de hauts responsables de l’AKP donnent raison aux juges. Les hebdomadaires satiriques Penguen et Leman s’emparent du sujet.
Fazıl Say était poursuivi au titre de l’article 216 du code pénal, lequel punit le fait “de dénigrer publiquement les valeurs religieuses d’une partie de la population.” L’acte d’accusation reprenait une série de propos publiés sur le compte Twitter de l’artiste : des vers attribués au poète persan Omar Hayyam, qui se demandait au 12ème siècle si le paradis était une taverne ou un bordel ; plusieurs tweets proclamant l’athéisme du pianiste ou encore un message dans lequel il déclarait : "Je ne sais pas si vous vous en êtes aperçus mais dès qu’il y a un lèche-botte, un médiocre, un voleur, un bouffon, c’est toujours quelqu’un qui croit en Allah".
“Omar Hayyam, sois raisonnable !
- Et vous, qui êtes-vous ?
- Oh l’insulte !”
Reconnu coupable par un tribunal d’Istanbul, le virtuose turc a écopé de dix mois de prison, qu’il ne purgera qu’en cas de nouvelle condamnation dans un délai de cinq ans. Dans les motifs de sa décision publiés hier, la cour explique que l’objectif du musicien était “d’humilier les valeurs religieuses”.
"Je suis désolé pour mon pays", a réagi l'artiste après l’annonce de la sentence. "Je suis plus inquiet pour l'état de la liberté d'expression et de croyance en Turquie que je ne le suis pour ma propre condamnation", a-t-il ajouté sur sa page Facebook. De nombreuses voix se sont élevées, en Turquie et à l’étranger, pour soutenir Fazıl Say. La Haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères, Catherine Ashton, s'est dite "préoccupée", soulignant "l'importance pour la Turquie de respecter pleinement la liberté d'expression". Dans une résolution sur le rapport de suivi 2012 de la Turquie adoptée hier, les députés européens appellent Ankara à "multiplier les efforts visant à garantir la liberté d'expression, la liberté des médias et toutes les autres libertés fondamentales conformément aux valeurs de l'UE."
Du silence à l’approbation
La condamnation du pianiste semble mettre mal à l’aise une partie du gouvernement. Le Premier ministre Erdoğan a refusé de s’exprimer, priant les journalistes de ne pas lui faire “perdre son temps” avec cette affaire. Egemen Bağış, ministre en charge des Affaires européennes, a été plus disert : “Nous ne pouvons pas nous réjouir du fait que Fazıl Say ou un autre de nos citoyens soit jugé pour ses propos ou ses opinions”, a-t-il réagi, regrettant même que les juges n’aient pas considéré son cas dans le cadre de la “liberté de dire n’importe quoi”.
D’autres à l’AKP (Parti de la justice et du développement) ont au contraire salué la condamnation du pianiste. Le ministre de la Culture et du Tourisme, Ömer Çelik, a estimé que les propos de Fazıl Say n’entraient pas dans le champ de la liberté d’expression. Tout juste a-t-il concédé que l’ouverture d’un procès pénal – et non civil – dans ce genre d’affaire pouvait être débattue.
Hüseyin Çelik, le porte-parole de l’AKP, s’est emporté contre ceux qui critiquent la condamnation, soulignant que “la loi est la même pour tous (…), célèbre ou pas” et affirmant que Fazıl Say n’avait pas été condamné pour avoir exprimé ses idées mais pour avoir proféré des insultes. Quant au numéro 2 de l’AKP, Mehmet Ali Şahin, sa réaction n’est pas passée inaperçue: “Cette personne (Fazıl Say, NDLR) a un père et une mère. Il a déclaré que son père était croyant. Il a donc traité son père et sa mère de lèche-botte! Nous ne disons rien de son athéisme, qu'il respecte ceux qui croient.”
Anne Andlauer (http://www.lepetitjournal.com/istanbul) vendredi 19 avril 2013

lundi 11 février 2013

tout n'est pas encore "moderne" dans la pensée turque: "Les filles et les garçons étaient assis ensemble sur la pelouse !"

Cette phrase du ministre turc des Transports est l'un des sujets les plus "tweetés" de la semaine et fait la une de l'hebdomadaire satirique Penguen. Binali Yıldırım y critique la cohabitation des étudiants des deux sexes sur les pelouses de l'Université du Bosphore.
"Comment es-tu arrivée là, ma fille?", demande le Binali Yıldırım de la caricature à une étudiante de Boğaziçi, assise avec un groupe de garçons sur la pelouse de la prestigieuse université stambouliote. L'étudiante lui répond : "J'ai étudié pendant des années, j'ai obtenu les meilleures notes aux examens et j'ai été admise". "Je vais te sauver de ce bourbier!" lui promet alors le ministre.
Le dessinateur de Penguen joue ici sur le double sens de la question. Elle peut signifier : "Comment es-tu entrée dans cette université ?" mais aussi "Comment as-tu pu tomber si bas ?"
En effet, la caricature fait directement référence à une phrase prononcée il y a quelques jours par le ministre des Transports. Lors d'un bal organisé à Izmir pour les anciens étudiants de l'Université technique d'Istanbul (ITÜ), dont il fait partie, ce dernier a expliqué avoir renoncé à faire ses études à l'université du Bosphore après une visite sur son campus: "J'ai vu que c'était un autre monde. Des bâtiments différents… et puis les jeunes filles et garçons étaient assis ensemble sur la pelouse ! J'ai été décontenancé. Je me suis dit que je m'égarerais ici... Il fallait que j'étudie!" a déclaré Binali Yıldırım (cliquer ici pour voir la vidéo).
"Ne pas s'asseoir, faire l'amour"
Une citation très remarquée, tout de suite suivie sur twitter par les étudiants de Boğaziçi et de l'ITÜ, qui ont commenté cette "sortie de route" avec humour. Une femme diplômée de l'Université du Bosphore écrit à son mari : "Si tu n'avais pas fait fausse route en t'asseyant à côté de moi sur la pelouse de Boğaziçi, tu serais devenu ministre!"
D'autres internautes ont choisi de commenter le passé du ministre, marié dans sa deuxième année à l'université et accueillant son premier enfant un an plus tard. "Il a choisi İTÜ au lieu de Boğaziçi, mais s'est marié en deuxième année. Sa devise devait être : Ne pas s'asseoir, faire l'amour", s'amuse un tweet.
Dans les colonnes du quotidien Vatan, le journaliste Mustafa Mutlu fait remarquer que le ministre des Transports vient "d'une région rurale où la séparation entre les sexes est énorme". Pour cette raison, explique-il, "il est normal dans une certaine mesure qu'il soit consterné par l'Université du Bosphore, qui a toujours été la plus démocratique, égalitaire et libre en Turquie. Cependant, il est effrayant que Binali Yıldırım, en dépit du fait que 40 années se sont écoulées et qu'il occupe l'un des postes les plus importants dans le gouvernement, ait toujours la même mentalité", commente le journaliste.
Marlène Alibert (http://www.lepetitjournal.com/istanbul) vendredi 8 février 2013

vendredi 16 novembre 2012

Le sultan Erdoğan: caricature


L’actuelle Constitution, comme toutes celles qui l’ont précédée en presque 90 ans de République, dote la Turquie d’un régime parlementaire. Le gouvernement est responsable devant le Parlement – qui peut donc le renverser – et le président de la République occupe pour l’essentiel une fonction honorifique.
Bekir Bozdağ, vice-Premier ministre, a livré lundi quelques pistes sur les changements envisagés. Dans la nouvelle architecture, les ministres ne seraient plus choisis parmi les députés mais nommés directement par le président de la République. “Le gouvernement n’aurait plus besoin d’un vote de confiance du Parlement puisqu’il n’y aurait plus de votes de confiance et de motions de censure”, a-t-il avancé, cité par les médias turcs. Irrévocabilité mutuelle des pouvoirs, fondement d’un régime présidentiel.
Alors que les partis au Parlement peinent à élaborer une nouvelle Constitution, les cadres du Parti de la justice et du développement (AKP) et le Premier ministre lui-même multiplient les appels à une refonte des institutions. Ils plaident pour l’instauration d’un régime présidentiel ou semi-présidentiel en Turquie
Les constitutionnalistes ajouteront que la réforme de 2007, qui instaure l’élection du président non plus au suffrage indirect mais au suffrage universel direct, a déjà rapproché la Turquie du régime semi-présidentiel. Mais l’AKP et son chef, Recep Tayyip Erdoğan, semblent envisager sérieusement un régime dans lequel le chef de l'Etat se verrait confier de réels pouvoirs. Un régime présidentiel.
L’AKP a franchi un pas le 5 novembre, en soumettant au président du Parlement une réforme des institutions. Objectif non avoué : faire passer cette réforme avant l’élection présidentielle de 2014, à laquelle Recep Tayyip Erdoğan (qui remplit actuellement son troisième et dernier mandat de chef du gouvernement) pourrait bien être candidat.
Poids... et contre-poids ?
Toujours selon la proposition de l’AKP, le président et les ministres ne pourraient pas introduire de projet de loi. Mais le président pourrait ratifier ou opposer son veto aux lois votées par le Parlement, comme cela est déjà le cas. En contrepartie, il reviendrait au Parlement d’approuver ou non le budget préparé par le président. Une Haute Cour (Yüce Divan, elle aussi déjà existante) serait autorisée, à certaines conditions, à juger le président.
Le régime présidentiel “pourrait être une bonne idée, à la condition qu’un système adéquat de séparation des pouvoirs (checks and balances/poids et contre-poids) soit instauré dans ce pays”, écrit Yusuf Kanlı dans Hürriyet Daily News. “Dans le cas contraire, j’ai bien peur que l’Etat-police actuel ne soit remplacé par la tyrannie d’un règne autocratique”, ajoute-t-il, parlant plus loin du “pouvoir absolu du sultan.” Recep Tayyip Erdoğan, pour ne pas le citer.
C’est également sous les traits d’un padişah que l’hebdomadaire satirique Penguen dépeint cette semaine le Premier ministre turc…
Anne Andlauer (http://www.lepetitjournal.com/istanbul.html) vendredi 16 novembre 2012