lundi 22 juillet 2013

La réalité persistante du travail des enfants en Turquie

ILS SERAIENT 900.000 – 

Les chiffres de l'Institut de statistiques turc pour 2012 montrent que près d'un million de moins de 18 ans ont travaillé en Turquie. L'association Gündem Çocuk établit quant à elle à 38 le nombre de décès d'enfants sur leur lieu de travail l'an dernier. Le député CHP (Parti républicain du peuple) Süleyman Çelebi a proposé une loi visant à lutter contre l'emploi des mineurs.

La dernière étude officielle sur le travail des enfants en Turquie datait de 2006. Les statistiques distinguent les mineurs de moins de 14 ans de leurs aînés dont l'âge est inférieur à 18 ans. Selon l'article 71 du code du travail turc, l'emploi n'est autorisé qu'à partir de 14 ans révolus. Les travaux concernés par cette autorisation doivent être "légers" et ne pas porter préjudice au développement de l'enfant.
Pourtant, les chiffres publiés récemment indiquent que 292.000 enfants âgés de 6 à 14 ans ont travaillé en 2012. De 15 à 17 ans, ils étaient 601.000. Au total, 5.9% de l'ensemble des enfants turcs ont participé à l'activité économique l'an dernier.
Comparativement à 2006, les chiffres globaux sont en très légère hausse, de 3.000 cas de travailleurs mineurs. Ainsi que l'observe Seyfettin Gürsel, la majorité des 6-14 ans employés sont des garçons, 185.000 pour 108.000 filles. Au sein de cette tranche d'âge, le secteur qui emploie le plus de jeunes enfants était en 2012 l'agriculture (200.000), loin devant l'industrie et les services réunis (92.000).

38 décès d'enfants sur leur lieu de travail en 2012
L'association Gündem Çocuk a publié au début de cette année le nombre total de mineurs décédés en 2012 sur leur lieu de travail : 38 enfants, âgés de 16 mois à 17 ans.
Pour Ezgi Koman, membre de Gündem Çocuk, trois causes sont à l'origine de la prévalence du travail des enfants en Turquie. "La pauvreté et les inégalités sociales contraignent beaucoup de parents à faire travailler leurs enfants. La seconde raison tient au regard que l'État et la société portent sur l'enfant. Il n'est pas un sujet humain qui se développe, mais un objet qui peut être utilisé comme main-d'œuvre bon marché. Enfin, ce recours est rentable à de multiples égards. Du point de vue de nombreux employeurs, ces enfants ne sont pas socialement couverts, et d'un autre côté ils ne sont plus pris en charge par le système éducatif." En effet, selon les chiffres de l'Institut de statistiques, 50% des enfants qui travaillent ne peuvent pas aller à l'école.

Une population laborieuse et rentable
Ces jeunes travailleurs sont souvent employés dans des conditions qui les mettent en danger. Ezgi Koman cite le cas emblématique d'Ahmet Yıldız, décédé en mars dernier. "Il travaillait dans une usine de fabrication de plastique, à des cadences qui ne correspondaient pas aux normes de sécurité mais permettaient davantage de profits. Sa tête a été prise dans une machine, il est mort à l'âge de 13 ans."
Le quotidien Today's Zaman cite les secteurs au sein desquels les enfants travaillaient le plus fréquemment en 2012 : l'agriculture et la rue mises à part, il s'agit des garages, du textile et du bâtiment. Pour les entreprises qui ont recours à cette population laborieuse, la pratique la plus courante consiste à les enregistrer sous le nom du père ou d'un proche déjà employé. De cette manière, elles n'ont à payer de cotisations que pour un seul des deux travailleurs.

Nouvelle législation
Pour lutter contre ces pratiques, et plus généralement contre le travail des enfants, le député CHP Süleyman Çelebi a récemment proposé une nouvelle loi. Il entend s'attaquer prioritairement à l'industrie, un secteur où, d'après les chiffres cités par le député, "la part des 14-18 est passée entre 1994 et 2006 de 16 à 28%, soit une augmentation considérable." Sa loi propose de relever l'âge à partir duquel un enfant peut être employé de 14 à 15 ans.
Il entend aussi lutter de manière plus efficace contre le travail des moins de 18 ans dans l'industrie lourde, pour les équipes de nuit comme de jour. Aujourd'hui, de nombreux sites embauchent des enfants après les heures d'école, en soirée ou de nuit.

Un problème global
Süleyman Çelebi rappelle que "la situation de ces enfants ne saurait être comprise et traitée comme un problème distinct d'autres questions sociales. Leur emploi trouve souvent son origine dans une détresse familiale, de plus il prive des travailleurs adultes de postes qu'ils pourraient occuper."
Le député critique enfin le nouveau système éducatif dit "4 + 4 + 4" mis en place par le gouvernement à partir de la rentrée 2012. D'après lui, il conduira à un système plus flexible, qui permettra à de nombreux enfants de quitter l'école, pour travailler plus tôt qu'actuellement.
Joseph Richard (http://lepetitjournal.com/istanbul) lundi 22 juillet 2013

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