La fin du narguilé ? À Tophane, on n'y croit pas
Depuis le 27 janvier, les restrictions sur la vente et la présentation de tabac se sont élargies au narguilé. Les bars, restaurants et autres cafés de Turquie ont six mois pour arrêter d’en proposer à leurs clients. Le gouvernement met en avant des impératifs de santé publique. Mais pour les propriétaires des cafés de Tophane, à Istanbul, cette tradition ancestrale n’est pas près de disparaitre. Lepetitjournal.com a recueilli l’avis de quelques gérants et de fidèles consommateurs.
Ali Baba, propriétaire du café à narguilé éponyme, est tranquillement installé dans son fauteuil avec ses amis, shisha en main. Il ne semble pas trop inquiet au sujet de la nouvelle loi, qui interdit la vente de narguilé dans les lieux publics.
Pour lui, pas question de reconvertir son établissement dans une autre activité. "Le gouvernement ne va pas fermer les cafés à narguilé, c’est impossible. On ne connait pas encore tous les tenants et aboutissants de ce texte mais pour l’instant, ce n’est pas un problème pour nous. Et puis, il y a toujours la possibilité d’acheter une licence." Son prix et ses conditions ne sont pas encore définis mais elle devra a priori être renouvelée tous les cinq ans. Les propriétaires des cafés s’accordent à penser que pour l’instant, leurs narguilés ne sont pas en danger, que rien ne sera vraiment mis en place avant six mois.
Canset Canpolat (photo ci-contre, MG) vient régulièrement avec ses amis et elle non plus ne s’inquiète pas pour l’avenir du narguilé en Turquie. "C’est un endroit spécialement conçu pour fumer le narguilé, ce genre de café obtiendra une autorisation du gouvernement moyennant le paiement d’une licence" assure-t-elle. Erhan Atmaca est également un fidèle consommateur de Tophane et il ne pense pas que cette loi aura un réel impact sur la consommation du tabac. "J’ai toujours eu l’habitude de venir fumer mon narguilé à Tophane, j’en fume une à deux fois par jour, trois à quatre fois par semaine et je me vois mal arrêter ".
Le narguilé, une tradition ancestrale
Selon lui, l’interdiction de la cigarette dans les lieux publics depuis 2009 n’a pas vraiment été efficace. "La cigarette est normalement interdite dans les stades de football, pourtant les gens continuent d’y fumer et il n’y a pas vraiment de sanctions. On vient surtout dans les cafés à narguilé pour se détendre, seul ou accompagné, passer un bon moment entre amis, jouer au tavla, boire un thé et profiter du wifi gratuit. Le narguilé, à la différence de la cigarette, est un véritable emblème du savoir-vivre à l’orientale. "
Le propriétaire du café Ali Baba de Tophane (photo MG)
Connu sous le nom de houka ou de shisha dans d’autres cultures, le narguilé est depuis le XVIIème siècle une tradition sur le territoire de l’actuelle Turquie. Elle est devenue populaire sous le règne du Sultan Murat IV (1612-1640). Dans l’Empire ottoman, l’engouement pour le narguilé, arrivé d’Iran, se transforma rapidement en obsession artistique. On se mit à chercher des types bien précis de tabac et de charbon. Des artisans se spécialisèrent dans la création des différentes parties de cette pipe orientale, les ateliers de lüle (la partie supérieure du tuyau) se concentrant essentiellement à Tophane. Délaissé à la fin du XXème siècle, les narguilés ont connu un regain d’intérêt chez les locaux et les touristes, comme l’atteste l’immense rangée de café à shisha de Tophane.
Manon Gay (http://www.lepetitjournal.com/istanbul) mardi 5 février 2013
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