mercredi 6 février 2013

BARBE, MOUSTACHE, CHEVEUX - Le boom du “tourisme pileux” en Turquie


Le marché du tourisme médical en Turquie est en plein essor et se développe parfois dans des domaines inattendus. Chevelure, barbe, moustache - et parfois même, favoris - le pays est en passe de devenir une référence pour les implants capillaires. Les salles d’opération turques drainent des patients du monde entier, notamment du monde arabe. Des hommes embarrassés par leur manque de poils, venus se refaire une virilité en Turquie…
Canapés de cuir blanc, sapin de Noël argenté, meubles laqués et musique années 80 : on croirait un instant s’être trompé d’adresse. Dans cette ambiance cosy, des hommes patientent sur les fauteuils, chauves ou à quelques cheveux de l’être. Ils feuillettent des revues pendant que défilent sur le mur les photos “avant et après” de ceux qui les ont précédés.
Graphisme Bushprintables, Flickr, CC
Le docteur Külahçı pénètre dans la salle d’attente. Sourire éclatant, visage lisse et bronzé. Cette chirurgienne esthétique a fondé la clinique Transmed il y a une vingtaine d’années. Les implants capillaires sont sa spécialité, qu’elle pratique entre 15 et 20 fois par semaine. Et elle n’est pas la seule : la Turquie – Istanbul en particulier – est une destination de choix pour cette opération. Selon Melike Külahçı, les cliniques et hôpitaux turcs regarnissent le crâne ou la barbe de plus de 40.000 hommes chaque année, un marché estimé à 100 millions de dollars. Les patients viennent de toute la Turquie… et du monde entier.
Une barbe de trois jours, “comme James Bond !”
“La qualité des soins a beaucoup augmenté en Turquie” assure Melike Külahçı. “Premièrement, parce que les hommes turcs sont très demandeurs de ce type d’opération donc l’expérience des médecins a progressé. De plus, la Turquie a beaucoup investi ces dix dernières années. De très bons hôpitaux et des cliniques à la pointe des nouvelles techniques ont vu le jour. Cette alliance d’un service de qualité et de bonnes infrastructures a aidé la Turquie à devenir une référence chez les hommes des pays voisins.”
“Pays voisins”: comprenez “Proche et Moyen-Orient”. Dès qu’il est question de greffer des poils ou des cheveux, la moitié des patients du docteur Külahçı arrive de pays arabes. Raisons de cette renommée : la qualité des soins, certes, mais aussi un intense travail de promotion internationale. Dans la clinique Transmed, les brochures sont traduites en arabe, tout comme le site internet. Sur les plateaux de télévision, de Dubaï à Beyrouth, Melike Külahçı (photo ci-contre, AA) vante la compétence turque et l’expertise de sa clinique.
“La barbe et la moustache sont en vogue non seulement dans les pays arabes mais dans bien d’autres pays. La barbe de trois jours, notamment, séduit de nombreux hommes. Regardez le dernier James Bond ! A peine rasé mais très élégant dans son costume trois pièces” commente la chirurgienne. Et ce n’est pas tout : “Il nous arrive aussi souvent de faire des implants pour relier des favoris trop courts au reste du collier de barbe. De nombreux hommes venus pour des implants capillaires demandent au passage à ce que nous densifions un peu leur barbe à quelques endroits moins fournis. Tout est lié...” insiste-t-elle.
Pilosité = virilité ?
Pilosité rimerait donc avec beauté et… virilité. C’est en tout cas ce que prétend Ghaith, venu densifier une barbe trop clairsemée à son goût. Pour avoir “l’air viril”, ce jeune Irakien s’apprête à débourser quelque 3.000 dollars. De l’opération la plus simple à la plus complète et complexe, des implants dans cette clinique coûtent entre 1.000 et 6.000 dollars. La technique de prédilection, baptisée “FUE”, consiste à prélever une à une des unités folliculaires à l'arrière de la tête pour les greffer ensuite dans la zone concernée.
Après une heure et demie au bloc, sous anesthésie locale, le jeune homme a l’intention d’aller admirer quelques chefs d’œuvre d’Istanbul. Ce genre d’opération, relativement légère, donne tout son sens à l’expression ”tourisme médical”. Des tours opérateurs proposent des packs tout compris avec chirurgie, hôtel et visites. “Ceci dit, toute chirurgie – même mineure – reste une chirurgie” prévient Melike Külahçı. “Il est donc essentiel de choisir une clinique dotée de toutes les autorisations du ministère de la Santé.”
Effet, sans doute, du succès des séries turques dans de nombreux pays arabes, les médecins doivent parfois rappeler leurs patients à la réalité… et les faire renoncer à la chevelure brillante de tel acteur, ou à l’épaisse moustache de tel autre.
Anne Andlauer (http://www.lepetitjournal.com/istanbul) mercredi 6 février 2013

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