Par Margaux Agnès | zaman france jeu, 23/08/2012 - 10:50
La question de la sexualité, très taboue dans les familles musulmanes malgré l’approche libérale des textes de l’islam, rencontre pourtant beaucoup de succès à travers les talk-shows des télévisions arabes et les publications qui lui sont consacrées.
Comment parler de sexualité à ses enfants ? Comment leur transmettre des valeurs religieuses qui peuvent contraster avec la norme des sociétés non-musulmanes ? Ces questions sont assez complexes pour les parents qui s’en remettent parfois à des acteurs extérieurs pour donner une éducation sexuelle à leurs enfants. Pour beaucoup de familles musulmanes, la sexualité reste quelque chose de tabou que l’on n’ose pas aborder avec ses enfants. Pourtant, en se référant aux textes, on s’aperçoit que ce sujet n’avait rien de honteux pour le Prophète qui en parlait librement avec ses compagnons. Comme beaucoup le défendent, les tabous qui animent nombre de familles ne seraient pas du tout religieux mais plutôt culturels et traditionnels.
Parler de sexualité sans tabou
Certains s’emparent alors du sujet pour en parler ouvertement et librement, dans un cadre respectueux des préceptes islamiques. Un exemple fameux outre-méditerranée est celui de Heba Kotb Gamal, sexologue égyptienne qui anime depuis 2006 une émission à la télévision. Et le succès est au rendez-vous. Elle-même en est étonnée, pensant qu’elle allait attirer plus de critiques que cela. L’émission est en effet suivie par beaucoup d’Egyptiens de tous âges, femmes comme hommes. La clé de ce succès : parler librement et simplement de sexualité, sans utiliser de mots crus et toujours dans le respect de l’islam. La présentatrice fait preuve d’une grande empathie envers les téléspectateurs qui lui posent des questions, auxquelles elle répond de façon claire, parfois appuyée par des savants musulmans qu’elle invite sur le plateau. De jeunes Egyptiens qui n’ont pas reçu de véritable éducation sexuelle de la part de leurs parents reconnaissent regarder l’émission avec eux. La télévision peut donc être un moyen de dépasser les tabous au sein de la famille. Les livres aussi offrent cette possibilité de donner des réponses aux questions que peuvent se poser les jeunes, sans en parler avec leurs parents. Amira Nassi a, dans cette optique, écrit deux ouvrages. Le premier, Le manuel des corps mariés (Eclipse) est destiné aux adolescents et aux jeunes adultes en abordant des sujets comme les changements liés à la puberté, le premier rapport sexuel… Son autre ouvrage, L’intimité expliquée à nos enfants (Eclipse), s’articule autour de deux questions que peuvent se poser les jeunes enfants musulmans : comment fabrique t-on les bébés ? Et pourquoi maman ne prie pas avec papa ?
Une éducation qui tranche avec celle de l’école
L’éducation sexuelle en milieu scolaire se développe en France depuis une trentaine d’années. La position de l’éducation nationale, là-dessus, est très pratique. Dès le primaire, on enseigne aux enfants l’anatomie et le système de reproduction, puis à partir du collège sont organisées des séances de sensibilisation aux risques liés aux relations sexuelles (maladies sexuellement transmissibles et grossesses non désirées), l’objectif du planning familial étant de limiter ces risques par une démarche d’information. Toute notion de morale (religieuse ou non) y est étrangère, l’éducation sur ce sujet étant laissée à la responsabilité de chaque famille. C’est précisément ce qui dérange certains responsables musulmans, car un principe primordial et indiscutable en islam est qu’un rapport sexuel ne peut pas avoir lieu en dehors du cadre du mariage. Informer les adolescents sur les différents moyens de contraception existants et leur permettant d’avoir une activité sexuelle en toute sécurité serait donc une manière de les inciter à avoir des rapports dans un cadre illégitime. C’est pourquoi, certains conseillent les parents de parler de sexualité avec leurs jeunes enfants et adolescents pour éviter qu’ils ne soient éduqués par leurs amis, la publicité, le cinéma ou la pornographie et qu’ils soient tentés de «faire comme les autres». Moufti Louqman Ingar, imam et enseignant à la Grande Mosquée de Saint-Denis, s’exprime dans ce sens dans la revue Al Islam en recommandant aux parents de parler de sexualité à leurs enfants, en invoquant avant tout Allah et son œuvre créatrice et en évitant toujours l’obscénité pour ne pas choquer l’enfant. Il insiste sur le fait que «le sexe ne doit jamais être discuté en tant que tel pour se faire plaisir, il est toujours lié à la vie conjugale et à la vie familiale».
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