Rabia Çapa ouvrait en 1976 à Istanbul la première galerie d’art contemporain. 36 ans après, la galerie Maçka Sanat Galerisi , aux choix exigeants est devenue un lieu de rendez-vous incontournable du Monde de l’Art. Atypique, elle expose les œuvres d’artistes de renommée internationale ainsi que celles d’artistes turcs majeurs. Rabia Çapa, c’est un parcours hors-norme, une femme de tête et de talent, une artiste passionnée et touchante par sa grâce
Lepetitjournal.com d’Istanbul : Pouvez-vous nous parler de vous ? De votre enfance ?
Rabia Çapa (photo personnelle): Je suis née à Istanbul, ma famille est originaire de Rize, de la région de la Mer Noire. Nous étions 6 enfants, 4 filles et 2 garçons. Jusqu’à mes 14 ans, avec nos cousins et cousines, nous avons passé toutes nos vacances dans une grande ferme à Kayişdağ*, à Içerenköy , devenu de nos jours un quartier de la grande Istanbul, côté asiatique. J’ai donc grandi au milieu des poules, des vaches, nous avions aussi de grands champs de blé. A la mort de mon grand-père puis de ma grand-mère peu après, ma famille a préféré vendre le domaine familial. Aujourd’hui à la place de la ferme de jadis, il y a de grands immeubles qui abritent les tours d’Iş Bankası. Quand on se réunit en famille, nos discussions reviennent sans arrêt sur cette enfance en plein-air que l’on a connue et que l’on a tant aimée. Ma mère, mariée à 13 ans, ne travaillait pas, s’occupait de nous autant qu’elle pouvait mais était très occupée avec ses œuvres de charité. Mon père, lui, était armateur, tout le temps en voyage. Nous avons grandi avec des parents très jeunes, mon père dès qu’il était à la maison jouait beaucoup avec nous, au ping-pong, au volley-ball. Le reste de l’année, nous vivions à Bebek ; j’ai suivi ma scolarité secondaire au Lycée Sainte Pulchérie où j’ai appris le français.
Quelles études universitaires avez-vous faites ? D’où vous vient cette passion pour l’art ?J’ai suivi les cours de l’Académie des Beaux-arts d’Istanbul. Pendant 4 années, j’ai suivi les cours de manière très assidue dans l’atelier du célèbre Bedri Rahmi Eyüboğlu sans jamais être inscrite, seulement en candidate libre car mon père n’a jamais accepté que je suive des cours à l’Académie. Déjà toute petite, je faisais des tableaux toute seule dans ma chambre, je les exposais aux amis de passage de mes parents dans notre grand salon, et leur demandais une somme symbolique pour admirer mes œuvres. Mon futur métier de galeriste sommeillait en moi. Avec ma petite sœur Varlık, qui partageait ma passion pour le dessin, et qui était en plus collectionneuse, nous avons créé, devenues adultes notre première galerie d’art contemporain ensemble ici à Maçka : la Maçka Sanat Galerisi en 1976.
Comment l’idée d ‘ouvrir une galerie d’art contemporain vous est venue à l’esprit il y a 36 ans ?Quand mes deux petites filles ont été en âge d’aller à l’école, et que je me suis retrouvée plus ou moins esseulée, j’ai dit à mon mari qu’il fallait absolument que je travaille. Je ne me sentais plus capable d’exercer en tant qu’artiste, et Bedri Rahmi Eyüboğlu, mon ancien professeur ne m’y a pas encouragée… Je voulais à ce moment-là absolument rester dans le milieu de l’art, et j’ai eu l’idée d’ouvrir une galerie pour proposer les expositions des autres. Cette galerie est unique dans son genre, car nous sommes les seules à avoir transformé un appartement en galerie après avoir abattu presque toutes les cloisons. Il existait à cette époque déjà une galerie dans le quartier, mais la mienne est la plus ancienne aujourd’hui.
Quels sont les artistes que vous avez exposés qui vous ont fait connaître par la suite ? Tous les artistes turcs aujourd’hui très connus sont passés par ma galerie : Mehmet Güleryüz, Ömer Uluç, Komet avaient déjà une petite notoriété mais après avoir exposé ici, ont connu ensuite un très grand succès international. Chez les étrangers, j’ai exposé Daniel Buren, François Morellet, Sarkis pour les plus célèbres. Ma devise a été depuis le début de m’attacher à certains artistes, à reconnaître leur talent, à les suivre tout au long de leur carrière. Plutôt que la quantité, j’ai préféré choisir la qualité. Par nos choix exigeants, ma sœur et moi, nous avons voulu que notre galerie traverse les décennies et être aujourd’hui encore une référence dans le monde de l’art contemporain.
Pour conclure peut-être, pourquoi l’art contemporain ?A l’époque, il y a 36 ans, il n’y avait que des galeries d’art classique à Istanbul car l’art contemporain n’existait pas encore ici. Je ne voulais pas faire dans la nature morte, les paysages …et après avoir voyagé à Milan, à Paris, nous nous sommes dit ma sœur et moi que nous allions ouvrir notre première galerie d’art contemporain. Etonnamment, ma petite fille qui a une vingtaine d’années et qui vient de terminer ses études à la Sorbonne, est une passionnée d’art classique, et n’apprécie que très peu l’art contemporain. Moi, sa grand-mère, je vais tout entreprendre pour la faire changer d’avis…
Propos recueillis par Meriem Draman (www.leepetitjournal.com/istanbul) jeudi 7 juin 2012
Adresse : MAÇKA SANAT GALERISI
Eytam Caddesi 31, Maçka 80200, Istanbul
Tel : (0212) 240 80 23
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire