Par Selami Varlik | ZAMAN FRANCE jeu, 17/05/2012 - 16:36
Parler correctement le turc est-il un obstacle à la bonne pratique de la langue française ? Le linguiste Mehmet-Ali Akinci ne le pense pas et insiste même sur la nécessité de donner aux élèves franco-turcs la possibilité d’apprendre leur langue d’origine dès le plus jeune âge. Pour lui, l’enjeu est également culturel puisqu’une bonne connaissance de la culture turque permettrait d’entretenir un rapport plus riche et serein avec la culture française. Mais cette dualité entre langues française et turque en cache une autre entre deux façons bien différentes de parler cette dernière. En effet, issus des classes ouvrière et paysanne de Turquie, les Franco-turcs parlent avec un accent qui les identifie fortement sur un plan sociologique et géographique. Ainsi, bien souvent, leur pratique de la langue turque est marquée par un double accent : celui des émigrés vivants en Europe mais aussi celui des zones rurales de Turquie. Or, cette dernière spécificité n’est pas considérée comme neutre, et s’accompagne bien au contraire d’une hiérarchisation des rapports sociaux, qui peut, dans les cas extrêmes, prendre la forme du mépris d’une classe dominante pour une classe dominée. Le Franco-turc qui porte cet accent vit alors une double altérité, par rapport à la culture française et par rapport à la culture d’origine. Symbole par excellence de l’institution turque en France, le consulat est le lieu où les Franco-turcs expérimentent frontalement ce clivage qui peut d’ailleurs les pousser à être tentés de parler français précisément pour gommer cette hiérarchisation souvent implicite. Si cette dernière est aussi effective en Turquie, la différence est liée aux modalités de maîtrise – et non pas d’abolition – de cet accent. Car, contrairement à la Turquie où les études supérieures permettent cette maîtrise, en France, le jeune peut accumuler les années d’université sans avoir eu l’occasion de développer un rapport plus savant avec sa langue, mais aussi sa culture d’origine. Or, parce que la confiance en l’autre nécessite toujours la confiance en soi, cette appropriation est capitale et ne doit pas être confondue avec un patriotisme exacerbé souvent précisément alimenté par un manque d’ancrage.
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