mardi 17 avril 2012

MULHOUSE: des pistes pour vivre ensemble


Article paru dans "l'Alsace"
Une petite centaine de personnes ont assisté dimanche, à Mulhouse, à une « rencontre régionale des religions et du vivre ensemble » organisée par le Centre culturel du monde arabe
L’adjointe au maire de Mulhouse Fatima Jenn a délaissé un moment sa casquette politique pour organiser, en tant que présidente du CCMA, une rencontre interreligieuse sur le thème du « vivre ensemble ». Un besoin, explique-t-elle, après le drame de Montauban et de Toulouse. Fatima Jenn cite Hannah Arendt en guise d’introduction : « C’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal. »« Disons à nos enfants que nous les aimons »Le grand rabbin du Haut-Rhin, Claude Fhima, d’origine marocaine, a évoqué « l’expérience vécue de la chaleur, la convivialité, la très grande proximité » entre juifs et musulmans au Maroc, « une expérience du passé qui a beaucoup à nous apporter ». En homme de foi, le grand rabbin rappelle que « si l’homme peut sombrer dans le mal, il peut aussi opter pour le bien, Dieu lui ayant donné la liberté de choisir, à condition cependant de se connaître soi-même ». Et pour construire un être humain, peut-être faut-il laisser la place à la bienveillance : « Apprenons à nos enfants à quel point ils sont riches intérieurement, disons-leur plusieurs fois que nous les aimons, que nous aimons leurs qualités. Il est très important de dire à quelqu’un d’abord ses qualités, avant d’émettre la moindre critique à son égard. »Anne Dehestru, vice-présidente de l’Uepal (Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine), livre la vision protestante du « vivre ensemble » : « C’est très simple : c’est le pacte républicain, c’est la vision de la République, nous n’en connaissons pas d’autres. » Comment empêcher que les tueries de Montauban et de Toulouse aient un impact négatif sur ce « vivre ensemble » ? « Ne pas faire de ces actes terroristes un problème religieux, refuser sans ambiguïté toute importation d’un conflit à l’étranger sur notre territoire, être capable d’agir ensemble, à chaque fois que c’est nécessaire. »« Nous condamnons la violence »Après avoir exprimé sa compassion et sa solidarité avec les victimes, Saliou Faye, imam à la Meinau, à Strasbourg, rappelle que « ceux qui connaissent l’islam savent que c’est tout à fait autre chose ». Et de citer des versets du Coran indiquant que Dieu n’aime pas les agresseurs. « Nous condamnons la violence d’où qu’elle vienne. » Il en appelle à la responsabilité de tous les adultes, « à l’éducation de la fraternité dans la famille, à l’école, à la mosquée, à la synagogue, dans la paroisse »…Rosine Forster, qui représentait l’église catholique, souligne pour sa part : « Pour nous aussi, ce qui fonde le vivre ensemble, c’est le pacte républicain. Ce qui divise n’est pas tant les religions, mais une société qui privilégie la gagne. Quelle place pour les plus fragiles ? Pour l’étranger ? » Sur cette question du « vivre ensemble », elle ajoute : « Il ne s’agit pas seulement de tolérer la foi de l’autre, mais d’arriver à l’estimer, à lui donner de la valeur. »Dans la table-ronde qui a réuni les représentants des cultes, chacun a témoigné de son expérience. Le rabbin mulhousien Élie Hayoun a évoqué la belle aventure du calendrier interreligieux à Mulhouse qui permet aux représentants de toutes les religions d’être côte à côte et de dialoguer dans les établissements scolaires. Le secrétaire général de la Grande mosquée de Strasbourg, Mohamed Tahiri, a raconté les rencontres sportives qui mélangent dans les équipes des jeunes de toutes confessions. Rosine Forster est revenue sur de la semaine de l’amitié islamo-chrétienne organisée par le Gaic…« Nous avons notre part de responsabilités »Dans ce concert de témoignages optimistes, il y a eu aussi les propos graves de l’imam de la mosquée mulhousienne, As-Salam Farid Darrouf : « Je vais parler franc, et parler dur. Nous, adultes, nous avons notre part de responsabilité, nous pouvons pousser des jeunes à faire des dégâts pareils. Nous avons ces jeunes de 18-20 ans qui sont dans une religiosité terrifiante, ce n’est pas venu tout seul, il y a un langage derrière cela. C’est à nous, adultes, d’être à la hauteur dans la maîtrise de la parole, dans nos prêches. Nous ne pouvons pas effacer les différences, nous devons œuvrer avec elles. La seule issue, c’est de s’asseoir ensemble et de discuter. »La rencontre s’est achevée sur une proposition concrète qui viendra combler un manque : représentants de la communauté juive et ceux des mosquées mulhousiennes ont décidé de créer un comité de travail.
le 17/04/2012 à 05:00 par Frédérique Meichler

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