vendredi 13 juillet 2012

“Tu n’es pas homo, non-musulman ou handicapé, inch'Allah ???”


C’est la question que pose, en couverture de la revue Leman cette semaine, un Turc à un autre qui l’interpelle pour un sondage. Une enquête d’opinion (bien réelle celle-là) publiée ces jours-ci révèle en effet que 70,3% des personnes non handicapées interrogées disent ne pas vouloir d’un voisin handicapé

Ce genre de sondage est courant en Turquie. Dans le dessin de Leman, après avoir répondu “non” aux trois questions préalables de celui qu’il veut interroger, l’enquêteur conclut d’ailleurs : “Le sondage est fini.” Son enquête portait donc, selon toute vraisemblance, sur l’acceptation des différences dans la société turque.
La semaine dernière, les médias publiaient les résultats d’un sondage de la fondation Sabancı, réalisé dans le cadre d’une “plate-forme de prévention et de lutte contre la discrimination des personnes handicapées.” Le questionnaire a été soumis à 419 personnes dans neuf provinces du pays. L’échantillon, en plus d’être relativement faible, n’est pas représentatif puisque selon les compte-rendus, 241 des personnes interrogées étaient handicapées et 178 ne l’étaient pas.
Les médias s’arrêtent peu sur ces “détails” mais il faut les garder en mémoire pour analyser les résultats publiés. A savoir:
- 70,3% des personnes non handicapées interrogées disent ne pas vouloir d’un voisin handicapé moteur
- 67,5% des personnes non handicapées interrogées ne soutiennent pas l’idée de quartiers ou de résidences séparés pour les personnes handicapées
- 98,9% des personnes non handicapées interrogées estiment que les personnes handicapées doivent pouvoir travailler
- 57,3% des personnes interrogées veulent des écoles séparées pour les enfants handicapés
Résultats plus contrastés, donc, que ne le laissent penser les titres des journaux et la Une de Leman (dont le surtitre est: “Après les non-musulmans, les homosexuels et les femmes célibataires (...) 70,3% de la société turque dit non à un voisin handicapé!”) Il n’empêche que régulièrement, des enquêtes plus représentatives révèlent la difficulté des Turcs à s’accommoder des différences d’autrui, quelles qu’elles soient.
En 2009, par exemple, un sondage réalisé auprès d’un échantillon représentatif de 1.715 personnes dans 34 provinces, co-signé par l’université de Bahçeşehir et le ministère des Affaires étrangères du Royaume-Uni, donnait les résultats suivants :
- 75% des personnes interrogées en Turquie disent ne pas vouloir (“istemem”) d’un voisin qui ne croit pas en Dieu
- 72% ne veulent pas d’un voisin qui boit de l’alcool
- 67% ne veulent pas de voisins qui vivent ensemble sans être mariés
- 64% ne veulent pas d’un voisin juif
- 52% ne veulent pas d’un voisin chrétien
- 48% ne veulent pas d’un voisin d’extrême-droite ou d’extrême-gauche
- 43% ne veulent pas d’une famille américaine comme voisins
- 36% ne veulent pas d’une famille dont les filles portent des shorts comme voisins
- 26% ne veulent pas d’un voisin d’une autre race ou couleur
Anne Andlauer (www.lepetitjournal.com/istanbul) vendredi 13 juillet 2012

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